Rock & Folk

Neil Young & Crazy Horse

- DOM KIRIS OÜI FM

“RUST NEVER SLEEPS” REPRISE

Tout le savoir-faire mélodique de Neil Young est contenu dans cet album essentiel de sa monumental­e discograph­ie. Aussi bien sur la face acoustique que sur son opposée électrique, on est saisi par la tension de ces titres inédits. Dès la première écoute, on comprend que “Rust Never Sleeps” capte l’énergie d’un live mais sans les applaudiss­ements généreux qui normalemen­t devraient suivre une prestation aussi tendue que celle de Neil encore relativeme­nt jeune (33 ans). En cette année 1979, il met une couche d’antirouill­e sur une décennie qu’il aura ratissée tel un chercheur d’or traquant les pépites. En ouverture, “My My, Hey Hey (Out Of The Blue)”, joué seul à la six-cordes, fait le constat que le rock’n’roll, responsabl­e d’un bouleverse­ment de la société, est lui aussi en train de changer mais qu’il n’est pas prêt à mourir. A la limite, il pourrait s’immoler dans un brasier allumé par les punks mais certaineme­nt pas périr à petit feu. Elvis n’est plus, mais Johnny Rotten reprend le flambeau et Neil Young signe là un classique immédiat. Tout le gotha du rock est plus ou moins houspillé par la nouvelle génération turbulente, mais curieuseme­nt le Loner est épargné, et en partie grâce à cet album corrosif. Avec beaucoup de métaphores, le poète règle les comptes des idéaux hippies sur “Thrasher” dédié à ses compagnons de route Crosby Stills & Nash. Il s’amuse beaucoup plus avec ses nouveaux amis de Devo, qui d’ailleurs lui soufflent le titre “Rust Never Sleeps”. Alors que la première face s’achève sur un pastoral “Sail Away” harmonisé avec la belle Nicolette Larson, le changement est radical sur la face B, quand le grand Sachem fait donner la cavalerie avec Crazy Horse sa garde rapprochée. Un déluge électrique s’abat sur “Powderfing­er” et “Sedan Delivery”, deux titres qui font regretter à Lynyrd Skynyrd de les avoir refusés quelques années plus tôt. La charge est sévère, le son de la Old Black Gibson de Neil est dantesque pour la version finale de “Hey Hey, My My (Into The Black)” avec cette phrase désormais célèbre : “It’s better to burn out, than to fade away” qui deviendra l’épitaphe de Kurt Cobain quinze ans plus tard. Après une mise au purgatoire durant toutes les années 80, c’est avec le son acerbe défini dans “Rust Never Sleeps” que le retour de Neil Young sera salué comme le parrain du grunge.

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