Rock & Folk

AC/DC

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“HIGHWAY TO HELL” ATLANTIC

Sale temps aujourd’hui à Fremantle. Pas tellement dehors. De toute façon, personne n’a vraiment le coeur à regarder la couleur du ciel en ce premier jour de mars 1980. Non, c’est dans nos têtes et dans nos tripes que c’est plutôt sombre. Ah, on se serait bien passé de cette réunion de famille dans ce cimetière sordide comme tous les autres, à venir gratifier l’ami Bon d’un ultime au revoir. Un peu plus de dix jours déjà qu’on l’a retrouvé sur la banquette arrière de cette foutue caisse. Une mauvaise biture de trop, qu’ils ont dit. “Ça devait

bien arriver un jour ou l’autre”, se sont-ils empressés d’ajouter. S’ils savaient combien on s’en fout... Groggy, assommés, plantés là, au milieu de nulle part, l’esprit qui vagabonde alors que l’on voudrait faire le vide. A repenser au silence pesant dans la voiture en venant tout à l’heure, à ce bitume défilant sans âme et que les “Let There Be Rock”, “High Voltage” ou “TNT” crachés par l’autoradio bricolé ne parvenaien­t même plus à rendre moins pénible. A se rappeler l’été dernier, quand “Highway To Hell” a débarqué sans prévenir sur la chaîne pour ne plus la quitter depuis. Putain, ce qu’on a pu les hurler à s’en péter la carotide, ces “Girls Got Rhythm”, “Walk All Over You”, “Touch Too Much”, “Shot Down In Flames”... Même les filles s’y étaient mises lors des surboums de le rentrée, elles qui jusqu’ici nous brisaient les couilles avec leur “Fièvre du Samedi Soir” et leurs chorégraph­ies travoltien­nes de supérette. A maugréer contre ce veto catégoriqu­e du paternel à propos de cette virée au Pavillon de Paris pour la grande communion hivernale, because contrôle de maths le lendemain matin... Privé du petit écolier frappading­ue à cause de vulgaires contingenc­es algébrique­s, un comble. A se répéter inlassable­ment qu’avec ce satané “Highway...” (dans tous les sens du terme), ils avaient tutoyé le sublime, qu’ils étaient parvenus au summum, que le firmament s’est soudain mué en testament et que c’est décidément vraiment trop con... Bien sûr, Angus et Malcolm nous ont juré qu’ils allaient continuer, ne serait-ce parce que c’est ce que lui aurait voulu. Ils auraient paraît-il déjà trouvé son successeur. Successeur, pas remplaçant. Parce que ça... Mais qu’ils nous excusent, pour le moment, on n’a pas très envie de songer à demain. Ils le savent bien d’ailleurs. Ce soir, c’est autant à un compagnon de route qu’à notre adolescenc­e que l’on s’efforce de tourner le dos dignement.

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