Gang Of Four
“ENTERTAINMENT !” EMI
Quel est le point commun entre Red Hot Chili Peppers, LCD Soundsystem, Gossip, Franz Ferdinand, Nirvana et le théoricien pop Greil Marcus ? Un même groupe fait figure de référence majeure. Pour en savoir plus, il faut remonter le temps (arrêt : été 1977) et poser ses valises à Leeds, dans le Nord de l’Angleterre. Trois étudiants aux Beaux-Arts (Hugo Burnham, Andy Gill et Jon King) et un jeune chauffeur routier (Dave Allen) ont comme nombre de leurs compatriotes pris la vague punk en pleine figure. Ils piquent leur nom à l’histoire de la Chine communiste — menée par la femme de Mao-Tsé-Toung, la Bande des Quatre désigne une faction radicale, emprisonnée en octobre 1976 — et dévoilent ainsi une partie de leurs ambitions. Car le quatuor a une idée derrière la tête : mener sa propre révolution. Alors, il s’imprègne de l’énergie de ses contemporains mais, plutôt que de piocher dans le seul rock, l’associe aux acrobaties rythmiques du funk. Célébrant le mariage de Funkadelic et des Ramones (pour faire court), Allen (basse), Burnham (batterie, chant), Gill (guitare, chant) et King (chant) se lancent dans des constructions mélodiques abracadabrantes, faites de guitares épileptiques — inspirées par le jeu explosif de Wilko Johnson — et de cassures rythmiques, le tout sur fond de discours nihiliste (Sartre est au rayon des influences) et de satires sociales (antimilitarisme, décrépitude de la classe ouvrière, condition féminine...). Dès le premier single “Damaged Goods”, enregistré en 1978 pour le label indépendant Fast Product, Gang Of Four pose les bases du punk-funk, accompagné sur le dancefloor par A Certain Ratio à Manchester, The Pop Group à Bristol ou The Slits à Londres. Ce morceau, qui exhorte littéralement le corps à se mouvoir, est l’année suivante l’un des hauts faits de ce premier album ironiquement baptisé “Entertainment !”. Le groupe a beau avoir signé entre-temps sur la major EMI, il n’a rien changé à sa politique. Sous une pochette situationniste, Gang Of Four offre une musique dense qui se danse, des morceaux qui sont autant de décharges électriques, jonglant avec le groove hypnotique de “Return The Gift” ou les guitares anarchiques de “At Home He’s A Tourist”. Et si “I Found That Essence Rare” évoque les contemporains Buzzcocks, les larsens et la basse abyssale de “Love Like Anthrax” confirment, en guise de final scandé, une originalité et une intransigeance rarement égalées.