Rock & Folk

ZZ Top

- BERTRAND BOUARD

“DEGUELLO” WARNER BROS

On ne peut pas vraiment se tromper avec le Top seventies. Tout est bon. Et même si la brièveté des albums (entre 30 et 35 minutes) est à considérer, le groupe accomplit la performanc­e d’en aligner sept de rang de 1970 à 1981. Ensuite, c’est différent. Cas d’école parmi sa génération, le trio fit plus que survivre aux années 80, il y triompha, en accommodan­t sa formule aux idiomes de l’époque, clips et synthés. De vrais rockers darwiniste­s. “Degüello” est un album intéressan­t à plus d’un titre. Pour la première fois depuis leur début, les trois de Houston venaient de rompre avec le cycle éreintant studio/ tournées. Un hiatus de deux ans dont ils reviennent avec des barbes longues, une maîtrise du saxophone (les voici en Lone Wolf Horns sur quelques titres), un son plus épais et un groove assez énorme (un “I Thank You” à faire tressailli­r Sam & Dave, d’entrée). Les obsessions n’ont pas changé : bagnoles, nanas aux bas résilles, rouleurs de mécaniques partis pour s’offrir du bon temps. Beaucoup d’autodérisi­on là dedans. De la même façon, la musique n’a l’air de rien. Blues-rock texan, en power trio. A y regarder de plus près, c’est un peu plus compliqué. Les gusses sonnent comme quatre, cinq. Une subtile histoire de placement, de jeux avec le temps, comprise avant par Cream, depuis par Gov’t Mule, mais pas par beaucoup d’autres. Et une façon de concevoir les morceaux, qui parfois n’excèdent pas trois minutes, comme des films à rebondisse­ments. Il faut ici s’arrêter sur trois d’entre eux, “I’m Bad, I’m Nationwide”, “Lowdown In The Street”, “Cheap Sunglasses”. Profusion de riffs qui s’articulent les uns dans les autres autour de la règle de base tension/ relâchemen­t, cassures rythmiques, changement­s de cap, de tonalité, nouvelles lignes de guitare, solo à droite, solo à gauche... L’architecte derrière tout ça s’appelle bien sûr Billy Gibbons, sa science des accords, son sens de l’accroche, sa façon de se démultipli­er par des sons très clairs ou très saturés. Les ZZ Top savent bien sûr être plus direct, envoyer du rock’n’roll (“Hi Fi Mama”), du boogie (“She Loves My Automobile”), vaporiser du blues (“Dust My Broom”), se faire romantique (“Esther Be The One” — les ballades baveuses viendront plus tard) et même s’essayer à une espèce de jazz-rock à la limite de la dissonance (“Mike The Mechanic”). Le tout, c’est leur génie, en ayant l’air de parfaits zigotos.

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