The Clash
“LONDON CALLING” CBS
Les Pistols sont violents. Oui mais le Clash, lui, est dur. Les Clash ont une force aussi : ils publient de formidables singles qui font mouche, au coeur de la cible à tous les coups. Et “London Calling” est le seul véritable double album de singles de toute l’affaire punk. De L’Appel De Londres et la reprise à bout de nerfs du “Brand New Cadillac” de Vince Taylor, à “Revolution Rock”. Coda. Le Clash matraque exactement ce qu’on n’attendait de lui qu’en rêve. Un incorrigible brûlot de rage blanche qui déferle mâchoires serrées pendant dix-neuf morceaux comme un seul homme sur un genre qui se satisfaisait mollement du 45 tours coup de poing. Si bien qu’au départ, ce disque n’aurait dû constituer qu’une monumentale bévue. Quatre faces ? Trahison à Portobello. Mais la roue tourne et ce groupe, si anglais, au langage vissé sur sa tasse de thé à l’arsenic, vise l’Amérique qui comme par hasard aura mis du temps à baiser les Pistols. Mieux, le Clash y gagne en contenu et force vitale. “Quand la Loi va enfoncer la porte/ Comment vas-tu t’en sortir ?/ En te jetant sur le trottoir/ Ou en attendant dans le
couloir de la mort...?” (“The Guns Of Brixton”). Forcément le punk va y perdre, puisque “London Calling” émerge comme le grand album rock. Le seul écoutable en 1979, en fait. Et personne ne peut se sentir en sécurité. Ceci est bien la raison pour laquelle tout le monde s’est mis à acheter des disques punk, non ? Le secret de ce disque c’est qu’il est funambule, jouant un précaire équilibre sur la ligne claire, limpide même, et traverse nuit et jour avec la force brutale d’un diamant poli, ce qui est terriblement astucieux quand le commun du punk tente le côté crade, enfonçant des barricades déjà en brèche. A la différence des autres, les Clash avaient du goût en plus d’avoir la classe. Dire que les punks pur sucre vont être également obligés de remercier l’ancien producteur de Free, les Irish Horns et un Teddy boy responsable des claviers pousse au délire... Car ceci est bien la quadrature du cercle de feu : le Clash, groupe acéré qui pousse le vice à sortir l’album parfait, est un parfait groupe de rock. Décidément, personne n’est en sécurité.