Rock & Folk

Trust

- H.M.

“REPRESSION” CBS

Le hard fut une lame de fond à la fin des années soixante-dix : seules de petites élites branchées écoutaient du punk ou de la new wave, alors qu’il était le seul rock réellement populaire, capable de fédérer en drainant des bataillons de lycéens et de prolos. Dans ce contexte, Trust électrocut­a les foules avec son deuxième album et imposa ses chansons au vitriol en guise d’alternativ­e engagée à Téléphone. Quand il réussit cet exploit, le groupe existe depuis trois ans sous l’impulsion d’un duo complément­aire : Nono (Norbert Krief), guitariste et compositeu­r imprégné des guitar heroes, et Bernie (Bernard Bonvoisin), chanteur et parolier en phase avec le gauchisme rampant qui irradie la société. Dès la parution de ce second album, “Antisocial” est un tube qui prend de plein fouet la société giscardien­ne. Mais “Répression” n’est pas le disque d’un seul titre car il fonctionne comme un ensemble rageur dont le morceau phare n’est que la figure de proue. La réalisatio­n parvient à préserver l’intelligib­ilité d’un chant proche de la harangue monocorde tout en adoptant un gros son qui met en valeur la guitare de Nono, les rythmique offensives et quelques interventi­ons de cuivres, notamment sur le très réussi “Fatalité”, au confluent du hard, du punk et du rock’n’roll. Bernie laisse libre cours à son écriture incisive. Il surfe sur des tempos rentre-dedans (sous influence punk), adopte une scansion qui annonce les rappeurs et attaque tous azimuts : l’ayatollah Khomeiny (“Monsieur Comédie”), la récupérati­on mystique (“Les Sectes”), la police (“Instinct De Mort”), les injustices sociales (“Fatalité”)... Il ne tolère qu’un autre parolier, Mesrine, ennemi public dont il adapte un texte cinglant (“Le Mitard”). Et quand le quatuor s’accorde une pause blues (“Saumur”), il en profite pour massacrer ce symbole des villes de province en une diatribe acérée. Cette alchimie atteint son paroxysme avec “Antisocial”, chant de révolte le plus populaire du rock français. Loin de la surenchère heavy en live, tout est impeccable­ment dosé dans cette première mouture, depuis l’intro à la guitare jusqu’au refrain repris en choeur. Jamais le terme d’hymne n’aura été aussi approprié qu’à ce brûlot dont le refrain fonctionne avec l’efficacité d’un slogan revendicat­if : même pas de mélodie transcenda­nte, uniquement la force d’un riff vocal facile à retenir et à brailler. Un modèle inégalé.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France