Rock & Folk

The Cramps

- ISABELLE CHELLEY

“SONGS THE LORD TAUGHT US” ILLEGAL

Quatre ans après leur formation autour du couple Poison Ivy/ Lux Interior, un EP enregistré avec Alex Chilton à la production et un concert dans un hôpital psychiatri­que, les Cramps sortent enfin leur premier album. On est en 1980. Le punk, qui a incité le duo infernal à s’installer à New York, s’est fait planter un pieu dans le coeur depuis un moment, remplacé par le post-punk et sa famille nombreuse de sous-genres. Le monde n’est pas prêt — mais le sera-t-il un jour ? — pour ce “Songs The Lord Taught Us” et ces Cramps qui troublent les esprits : faut-il les prendre au sérieux, eux qui professent leur amour pour la série Z, l’horreur cheap et les poubelles de la pop culture ? Sont-ils rétro ou représente­nt-ils l’avenir du rock ? Et pourquoi n’adhèrent-ils pas à la formule rock traditionn­elle et n’ont-ils pas de bassiste ? C’est l’époque du personnel de rêve avec le terrifiant Bryan Gregory à la guitare et Nick Knox, le batteur impassible. Le quatuor cultive ses particular­ités et ce son primitif, quelque part entre garage crasseux et rockabilly joué avec l’énergie destructri­ce du punk et reprend des classiques du rock (“Fever”), de “Nuggets” (“Strychnine”), voire des tréfonds de l’undergroun­d rock’n’roll (“Sunglasses After Dark”). Les riffs ont la subtilité d’une tronçonneu­se que Link Wray mettrait en marche, la batterie est d’une simplicité tribale. Tout cela serait déjà excitant, mais ce qui rend les Cramps inimitable­s, ce sont les interpréta­tions de Lux Interior. Il éructe, hoquète, braille, à la manière d’un Elvis dégénéré, des paroles mêlant surréalism­e et humour noir — du psychopath­e qui colle la tête de sa copine dans sa télé (“TV Set”) au loup-garou ado portant un appareil dentaire (“I Was A Teenage Werewolf”). Certains accuseront ensuite les Cramps de piller leurs sources, de recycler la sous-culture dont ils raffolent. Mais ceux-là ont-ils vraiment écouté “Garbageman” et son texte en forme de déclaratio­n d’intention (“Louie, Louie, Louie, Lou-ie the bird’s the word and do you know why ?”), faisant allusion à deux reprises, incontourn­ables des live du groupe ? Le malentendu ne s’arrangera pas lorsque, après trois ans d’inactivité forcée pour des problèmes judiciaire­s avec son label, le gang reviendra, ajoutant cette fois du sexe, évidemment kinky et déviant, à son cocktail entêtant.

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