AC/DC
“BACK IN BLACK” EPIC
Dans le troisième chapitre, verset 24, des tables de la loi rock telles que le Créateur les a transmises à Elvis, il est écrit en lettres de feu : “C’est dans l’adversité que l’on distingue
les hommes, les vrais.” Peu de groupes mieux qu’AC/DC ont su vérifier la justesse de cette maxime impitoyable. Lorsque les Australo-Ecossais s’envolent pour les Bahamas en avril 1980 afin de mettre en boîte, aux studios Compass Point, le successeur du fameux “Highway To Hell”, le moral n’y est pas. Bon Scott, leur gargouille chantante, vient en effet de passer l’arme à gauche quelques semaines auparavant en s’étouffant dans son vomi, ivre mort. Assez d’excès : décès, pensent les mauvaises langues, croyant être débarrassées du groupe. D’autant que le nom du nouveau vocaliste n’incite pas à l’optimisme. Brian Johnson n’a pour toute référence qu’un modeste passé de leader de Geordie (dur, dur, d’être un clone au rabais de Slade). Pourtant, quand paraît “Back In Black”, il faut se rendre à l’évidence. Le coup du sort qui a frappé le quintette, loin de l’affaiblir, lui a donné une maturité nouvelle, une densité inattendue. Et l’album apparaît à la fois comme un hommage évident à Bon Scott, du titre au tocsin funèbre qui ouvre “Hells Bells”, prolongement post-mortem à “Highway To Hell”, en passant par la pochette noire et gaie comme un faire-part, mais également comme un exorcisme. Brian Johnson, sur la sellette, prolonge le style vocal rugueux de son prédécesseur, sans originalité excessive certes, mais sans démériter non plus. Les chansons du groupe, moins joyeuses et insouciantes qu’à l’accoutumée, sont empreintes d’une tristesse sourde et dopées par une hargne qu’on peut identifier comme l’énergie du désespoir. Surtout, Angus se fend de quelques-uns de ses chorus les plus échevelés, sur une trame qui n’est pas sans évoquer parfois les Who de “Live At Leeds” (il suffit d’écouter le pont de “Shoot To Thrill”). Quant à la production carnassière de Robert Mutt Lange, elle inciterait presque à lui pardonner sa collaboration avec Billy Ocean, roitelet du faux funk sirupeux. Le benjamin des frères Young peut bien continuer à revêtir ses culottes courtes de collégien anglo-saxon, nul ne peut plus le prendre pour un gamin après l’état de grâce de “Back In Black”.