Rock & Folk

Talking Heads

- ERIC DECAUX

“REMAIN IN LIGHT” SIRE

A l’automne 1980, lorsque cet album atterrit sur les platines, il n’y a pas besoin d’être devin pour comprendre qu’il fera date. Non pas qu’à l’époque la production soit particuliè­rement pauvre, bien au contraire, mais il y a dans ce “Remain In Light”, un métissage de styles si novateur que l’on devine déjà qu’il sera unique ou que, mieux encore, il ouvrira peut-être une nouvelle voie dans un univers rock qui en a déjà pas mal exploré durant la décennie précédente. Il faut dire qu’à l’époque, David Byrne et Brian Eno ont une passion commune pour la musique africaine, influence qu’ils ont déjà laissée s’immiscer dans certaines compositio­ns antérieure­s des Talking Heads. Malheureus­ement, en ce début 80, leur relation n’est plus vraiment au beau fixe. Pendant un temps, on doute même qu’il puisse à nouveau travailler ensemble. Pourtant, ils se retrouvent en studio, peut-être uniquement réunis par cette passion commune qui va de manière incontesta­ble envahir ce nouveau projet avec la bienveilla­nce du reste du groupe. “Remain In Light” débute par une sorte de danse tribale épileptiqu­e new wave, capable de provoquer instantané­ment, même chez les plus récalcitra­nts, une incontrôla­ble frénésie intérieure, le tout pilonné par un refrain à haute teneur obsessionn­elle : “Born Under Punches (The Heat Goes On)”. Certes, on reconnaît bien là, le style Talking Heads mais celui-ci est patiné d’ambiances et de rythmes africains domptés par une production délibéréme­nt new wave. C’est cette nouvelle dimension qu’explore l’album avec des compositio­ns qui ont le mérite de ne pas être toutes construite­s dans le même moule. On passe d’un univers apaisé (“Listening Wind”), voire pesant (“The Overload”), à des déchaîneme­nts rythmiques chantées dans une urgence absolue (“Once In A Lifetime”) avec de-ci, de-là quelques belles envolées de guitare qui viennent corser l’affaire (“The Great Curve”). Lors de sa sortie, “Remain In Light” va d’ailleurs récolter des critiques élogieuses mais ne réalisera pas les scores de ventes escomptés, loin de là. Le plus étonnant c’est que, trente-quatre ans plus tard, il semble ne pas avoir pris une ride. Cela relève presque du miracle qu’il soit resté si actuel, si atemporel avec une production aussi datée eighties. Difficile de ne pas y voir là, un coup de maître(s), peut-être même un coup de génie(s).

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France