Rock & Folk

Mink DeVille

- THOMAS E. FLORIN

“LE CHAT BLEU” CAPITOL

Fin des années 70 : la scène punk fait les trois-huit dans les drug houses d’Alphabet City et on porte plus de cercueils que de toasts dans le Lower East Side. Pour Willy DeVille, au danger des opiacés s’ajoute celui d’une maison de disques mécontente, Capitol s’obstinant à voir en lui un punk quand il s’est montré dandy sur deux albums géniaux produits par Jack Nitzsche. DeVille et sa femme Toots fuient la Big Apple pour poser leur bric-à-brac à Paris. Ils y retrouvent Maxime Schmitt, producteur exécutif chez Capitol France, qui doit s’occuper de cet album français de Willy. Alors que le Frenchy le pousse à composer à la guitare, ce dernier ne parle que d’Édith Piaf et de cascade de violons. Son rêve : travailler avec Charles Dumont, compositeu­r de “Non, Je Ne Regrette Rien“. À la place, il aura Jean-Claude Petit,

ghost writer pour Michel Magne, l’unique attache musicale française sur “Le Chat Bleu”. Si un fantôme hante cet album, c’est bien celui du King. C’est sa pulsation qui intervient en tant que section rythmique par l’intermédia­ire de Jerry Scheff et Ron Tutt, membres du TCB Band. Le spectre d’Elvis ombrage également les crédits au dos de la pochette : “That World Outside”, “You Just Keep Holding On” et “Just To Walk That Little Girl Home” sont co-écrits par Doc Pomus, auteur avec Mort Shuman d’une partie des hits du King. La production est assurée par Steve Douglas responsabl­e du son de Dylan en cette fin de décennie. Les séances sont, bien sûr, chaotiques : arrivant à pas d’heure, disparaiss­ant plusieurs jours avec la limousine de location, le Savoir Faire de DeVille consiste à laisser les musiciens travailler toute la journée et d’arriver dans l’après-midi discuter arrangemen­ts et faire les voix. Capitol finira par rapatrier ce petit monde au pays, réenregist­rant une grande partie du disque pour finalement le laisser au placard. C’est Schmitt qui sauve l’affaire en le sortant en France. Imprégné de l’ambiance parisienne, “Le Chat Bleu” se montre nerveux et romantique. Le R&B urbain de “Lipstick Traces” y côtoie le pachucho rock de “Slow Drain”. On compte également un morceau cajun (“Mazurka”), du doo-wop (“Bad Boy”), et bon nombre de ballades romantique­s. La version rockabilly en velours 100 % française dort, elle, quelque part dans Paris. Sa revanche serait, nous dit-on, prise sous peu.

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