Rock & Folk

Squeeze

- JEAN-WILLIAM THOURY

“EAST SIDE STORY” A&M

C’était un temps déraisonna­ble. On étiquetait punk chaque nouveau venu, quels que soient son style ou ses ambitions, pourvu qu’il ne porte ni cheveux longs ni pantalons pattes d’éléphant. C’est sans doute difficile à imaginer aujourd’hui mais, Nick Lowe, Elvis Costello, Undertones ou Jam se virent affubler de l’étiquette. Ce qui, d’ailleurs, leur permit une accélérati­on de carrière non négligeabl­e. Squeeze connut le même sort. Débutant en 1977 par un 45 tours autoprodui­t comme le faisait toute la nouvelle génération, le groupe n’a rien fait pour éviter la confusion. Ce n’est qu’au fil des mois qu’on put se rendre compte qu’il comptait dans ses rangs un tandem d’auteurs-compositeu­rs digne de figurer dans une noble lignée, peut-être pas celle des Lennon-McCartney — évitons l’hyperbole — mais dans la tradition Gallagher-Lyle, Gouldman-Stewart, etc. Chris Difford et Glenn Tilbrook sont à l’origine de l’aventure, flanqués du pianiste Jools (Julian) Holland. Le nom est choisi en référence à un album du Velvet Undergroun­d moribond, ce que confirme le choix de John Cale comme producteur du premier EP, “Packet Of Three”, grâce auquel est obtenu un contrat avec A&M. Le public accroche à “Cool For Cats”, “Up The Junction”, “Pulling Mussels”... En 1980, Jools Holland, qui se révèle un excellent spécialist­e du boogie, monte sa propre équipe, les Millionair­es. Il est remplacé par l’ancien organiste de Ace, Paul Carrack, dont la personnali­té musicale influence grandement “East Side Story”. Peu après, il quittera Squeeze pour la sémillante Carlene Carter, aussi cet album demeure comme un témoignage exceptionn­el. La grande qualité de Difford & Tilbrook réside dans une aptitude à mêler le comique et le tragique, l’important et le dérisoire, avec une emphase volontaire sur la vie des classes laborieuse­s ou pauvres. Un parallèle avec Ray Davies, des Kinks, a souvent été tracé. A ce répertoire intelligen­t — c’est probableme­nt ce qui décida Elvis Costello à coproduire l’album — Paul Carrack introduit une dimension musicale nouvelle, britanniqu­e par son raffinemen­t, mais américaine dans son expression gorgée de soul. Deux plages du disque se détachent comme des perles, “Labelled With Love” et le magnifique “Tempted”.

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