Rock & Folk

Dead Kennedys

- EMMANUELLE DEBAUSSART

“FRESH FRUIT FOR ROTTING VEGETABLES” CHERRY RED

Un chant dégoulinan­t de pseudovibr­ato, plus proche de l’asile que du manuel du parfait crooner. Une batterie crâneuse. Une décharge de guitare en hoquets convulsifs vient gratter la voix. Elle chevrote contre la montre. Le groupe suit au coude à coude, dans une course poursuite effrénée. Avec ce premier album, Jello Biafra (chant), East Bay Ray (guitare), Ted (batterie) et Klaus Flouride (basse) viennent d’inventer le hardcore américain. Plus tard ils lanceront également leur label pionnier : Alternativ­e Tentacles. Un son et surtout un ton, claque aux WASP et aux mauvaises odeurs. Les Dead Kennedys réadaptent les Pistols au soleil de la côte Ouest et aux démons américains (“Holiday In Cambodia” contre “Holidays In The Sun”), provoquent à leur façon, jamais gratuite — “Kill The

Poor” : “Maintenant qu’on a la bombe à neutrons, balayons les millions de sansemploi­s, ça nous fera moins de taxes sociales à payer, on aura plus de place pour s’amuser...” ou “California Über Alles”, attaque directe contre un gouverneur de l’époque : “Je m’appelle Jerry Brown/ Bientôt je serai président/

Un jour je serai le Führer” — distillent avant tout un message politique et secouent les conscience­s anesthésié­es au hamburger trop gras. Et pour le faire passer, ce message, les Dead Kennedys ne se contentent pas d’une musique brutale, ils agrémenten­t leurs albums de posters marquants. Celui de “Frankenchr­ist”, en 1985, intitulé “Penis Landscape”, oeuvre du célèbre HR Giger (créateur du monstre Alien, leur vaudra même un procès et finira par tuer le groupe. Pour “Fresh Fruit For Rotting Vegetables”, le problème viendra d’une photo anodine, utilisée au dos de la pochette, piratée d’un groupe ringard, dépourvu de sens de l’humour. Des visuels chocs pour chaque chanson au cas où les paroles n’auraient pas été assez explicites, des slogans politiquem­ent incorrects, s’attaquant en vrac à la police, aux militaires, au nucléaire, à la religion et à la société de consommati­on. Un flot de documents qui se résume par “réagissez,

ne soyez pas des moutons”. Si le son a un peu vieilli aujourd’hui, c’est bien le seul. Le contenu demeure toujours d’actualité. L’engagement de Jello Biafra aussi, qui s’est même présenté en 1979 aux élections municipale­s à San Francisco avant de s’engager chez les écolos.

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