Rock & Folk

Miossec

“BOIRE”

- JEROME SOLIGNY

Christophe Miossec est homme de mots. De mots qui suent, de mots qui coulent. De mots bus à tort et de travers. Attendu comme le Tom Waits français, il s’affiche clope au bec sur toutes les photos de la pochette de “Boire”, histoire de mieux faire comprendre qu’en matière de vice, l’économie ne paye pas. Plus âcre que le tabac froid et plus saoulant que l’alcool chaud, Miossec est avant tout un auteur à la hauteur de ses non-ambitions et accessoire­ment un groupe constitué autour du couple créatif qu’il formait alors avec Guillaume Jouan. Ce dernier astique un zinc acoustique, sorte de folk à boire. Ce premier disque enregistré par Gilles Martin, a également jeté les bases d’une carrière qui n’a pas titubé depuis 1995. Car Miossec commente mais ne donne aucune leçon : “Regarde Un Peu La France” triture un avenir socialemen­t bouché comme la trompette qui grésille après son premier refrain (“...Et que nous sommes complèteme­nt chômeurs”) mais sans plus. Mieux qu’une ode à la bibine, “Le Cul Par Terre” racle des coins que le balai du souvenir n’atteint jamais et “Merci Pour La Joie” traite la rupture de conne ou le contraire. “Crachons Veux-Tu Bien”, écrite à la plume fautive et cisaillée par une guitare électrique bienvenue, est moins glauque que l’air qu’elle se donne (“Et si jamais je m’en sors.../ Je vomirai tous mes torts”). “La Vieille” prêche le faux pour connaître la vérité (“Une vraie beauté détruite/ Y’a rien de plus émouvant”) et “Recouvranc­e”, éclatée comme un piano tombé du troisième, envoie valser les gestes usés et les excuses désabusées. Dans “Des Moments De Plaisir”, Miossec élève l’errance imbibée au rang d’art et parle de nuits qui ne portent plus conseil. Détournée jusqu’à la gauche — le refrain rote à la face — “La Fille A Qui Je Pense”, signée Hallyday-Revaux, est l’inévitable coup de pied (de nez) dans la fourmilièr­e boueuse de la variété française. Construite comme “Andy Warhol” de David Bowie (riff et accords acoustique­s), “Combien T’Es Beau, Combien T’Es Belle” sort le disque de sa torpeur stylisée alors que “Que Devient Ton Poing Quand Tu Tends Les Doigts” et son avenir violoné aligne des réponses dont on ignore les questions (“Que devient mon souvenir quand tu n’y penses pas”). Après un dernier titre caché, le bar finit par fermer.

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