Rock & Folk

Foo Fighters

“FOO FIGHTERS”

- ALEXIS BERNIER

Que cela soit dit d’emblée, rien ici ne viendra rappeler Kurt Cobain. Son travail de deuil, Dave Grohl l’a effectué avant d’entrer en studio, de pudeur. Kurt Cobain, son ami, a choisi de s’en aller, le groupe qu’ils avaient fondé n’existe plus. La vie malgré tout doit continuer et cet album est à écouter sans arrière-pensée, tout pathos écarté, l’oreille vierge. Le premier envoi de la deuxième carrière de l’ex-Nirvana n’est qu’un putain de bon disque de rock’n’roll, un skeud d’enfer, comme on dit à seize ans pour énerver des parents au français plus châtié. Un disque net et sans douleur, ouvert sur le monde, avec des guitares et encore des guitares. Proche du Sugar de Bob Mould mais, attention, pas le Sugar de “Beaster” travaillé à la haine de soi, celui plus solaire de “Copper Blue”. Du 17 au 24 octobre 1994, Dave Grohl, multiinstr­umentiste surdoué, s’enferme seul au studio Robert Lang à Seattle, l’éternel Pat Smear (ex-Germs qui soutenait déjà la guitare de Kurt sur la dernière tournée) et les seconds couteaux, William Goldsmith et Nate Mendel (ex-Sunny Day Real Estate) n’arriveront que plus tard, lorsqu’il s’agira de brûler les planches. Seul donc, Dave s’offre un album d’avant le grunge, un CD décomplexé. Foo Fighters ? Un disque sans gravité, dont le seul nom indique des ambitions moins élevées. De Nirvana à Foo Fighters il y aurait comme une déperditio­n d’aspiration, pas forcément d’inspiratio­n, et c’est peut-être le plus bel hommage rendu à celui qui n’a cessé de clamer son désir de simplicité. Douze chansons pied au plancher, sans prendre le temps de respirer, si ce n’est “Big Me”, vague velléité de ballade. “X-Static” (sur lequel Greg Dulli des Afghan Whigs vient ajouter du barouf), “Good Grief”, “Floaty”, des titres

basic honnêtemen­t mis en voix par l’ancien batteur mais sans supplément d’âme. Des compos verrouillé­es trop efficaceme­nt structurée­s pour être ébranlées par des écoutes répétées. Des morceaux à l’arraché, à peine arrangés. Du punk rock années 90 qui cherche, et réussit à oublier tout ce qui a échoué. Un disque Born Again, à nouveau ado, qui repart de zéro. Un disque qui ne va rien changer mais dont on n’est pas près de se lasser.

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