Rock & Folk

The Smashing Pumpkins

“MELLON COLLIE AND THE INFINITE SADNESS”

- PHILIPPE DUCAYRON

Consacrés superstars aux EtatsUnis, suite à la sortie en 1993 de leur deuxième album, “Siamese Dream”, les Smashing Pumpkins se trouvaient dans la position inconforta­ble de confirmer ce nouveau statut, sans tomber dans la redite ni l’auto-parodie. Rien ne les y obligeait vraiment — ce n’est pas leur jeune public qui aurait craché sur une version cousine de leur tube radiomical, “Today” — mais leur leader est un homme de principe. Billy Corgan se voit artiste et non cachetonne­ur. Pas question de camper sur ses compositio­ns. Au contraire, Corgan avait à coeur de montrer qu’il savait prendre des risques et les assumer. D’où ce double album monumental (vingt-huit chansons), testament définitif des capacités du groupe, selon son auteur. Courageux mais pas casse-cou, ce dernier a pris soin de séparer sa nouvelle oeuvre en deux parties qu’il voulait bien distinctes. La première reste dans la tradition des Pumpkins, une collection de morceaux à l’usage des fans qui veulent entendre ce qu’ils connaissen­t déjà. De fait, la livraison est d’abord sans surprise. On y retrouve les énormes qualités des deux albums précédents, sentiments tantôt contrariés, tantôt apaisés, alternance de morceaux heavy schizo et de ballades délicates, presque féminines. Le premier disque frappe par sa qualité : le groupe y est à son zénith. “Zero” et son gros riff conquérant, l’entraînant “Bullet With Butterfly Wings” et l’infectieux “Love” sont sans doute leurs morceaux les plus perforants à ce jour. Même constat pour les titres opposés : le tendre et lumineux “To Forgive”, le féerique “Cupid De Locke” et le pondéré “Galapogos”. Le second disque se veut plus aventureux. Dans les faits, il faut attendre le quatrième morceau pour vraiment sortir du périmètre des Pumpkins. Nostalgiqu­e et brumeux, “1979” sonne comme du Bad Seeds bio. Autres surprises : “We Only Come Out At Night”, construit autour d’une rengaine à reprendre en choeur, et “Beautiful”, qui sonne comme du Prince période “Around The World In A Day”. Les autres titres restent plus traditionn­els : rageurs ou délicats, mais tiennent la route. Le projet était ambitieux. Peu de groupes sont capables de maintenir une certaine qualité sur la longueur. Les Pumpkins y sont parvenus. Sans forcément changer de cap mais en allant au bout d’eux-mêmes. Ce qu’on appelle une réussite.

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