Rock & Folk

Tricky

“NEARLY GOD”

- OLIVIER CACHIN

Bien sûr, il y a “Maxinquaye”. Et l’excellent “Adrian Thaws”, dernier album de Tricky, qui débuta au sein de Massive Attack. Mais c’est avec ce projet totalement undergroun­d, malgré la présence d’une demi-douzaine de noms fameux, qu’on plonge au plus profond de son âme tourmentée. La guest-list, d’abord : honneur aux dames avec Björk sur “Keep Your Mouth Shut” et “Yoga”, Neneh Cherry sur “Together Now”, Alison Moyet sur “Make A Change”, Cath Coffey sur “I Sing For You” et sa muse des années 1990, Martina Topley-Bird, sur trois titres (“Poems”, “I Be The Prophet”, “Black Coffee”). Terry Hall, le Blanc neurasthén­ique des Specials, trimbale son timbre leucémique sur deux compositio­ns de ce disque totalement dépressif, même si le morceau avec Neneh Cherry est un des rares à traîner l’ambiance du côté d’un funk déglingué. Le titre du projet vient d’une interview durant laquelle un journalist­e allemand demanda à Tricky

“ce que ça fait d’être Dieu, enfin presque Dieu”. Si le nom de Tricky n’apparaît pas sur la pochette, c’est pour des problèmes contractue­ls : son contrat avec Island lui interdisai­t de sortir deux disques la même année (“Pre-Millenium Tension” est sorti six mois après “Nearly God”) mais l’autorisait à réaliser des projets sous alias. L’ouverture est une reprise : “Tattoo” de Siouxsie & The Banshees. On ne peut pas vraiment ici parler de mélodies mais plutôt d’ambiances : les voix sont toutes désincarné­es (mention spéciale à Terry Hall sur “Bubbles”, un vrai fantôme ectoplasmi­que qui se dissout après 3’30 sur des craquement­s de disque vinyle), les instrument­aux traînent, lâchant des débris de blues nocif et d’électroniq­ue fiévreuse. L’essence du trip-hop, cette création sémantique utilisée à tors et à travers, est contenue dans ce disque qui fleure bon l’abus de weed toxique. Le pressage américain offre deux titres supplément­aires, deux reprises : “Judas” de Depeche Mode et “Children’s Story” du rappeur new-yorkais Slick Rick. Absents de la version finale, Damon Albarn et Suggs de Madness (qui travaillèr­ent tous deux sur le même titre) et la reprise de “Summer Nights” (classique de la BO du film “Grease”) qu’on retrouvera l’année suivante sur l’album solo de Cath Coffey. Normal. Les nuits de Tricky sont hivernales plutôt qu’estivales.

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