Teenage Fanclub
“SONG FROM NORTHERN BRITAIN”
Finalement, on n’avait pas besoin de si grosses guitares. Pourquoi se faire mal à la tête, quand il est si simple de se faire plaisir ? C’est le destin des groupes à plusieurs songwriters, des groupes à plusieurs voix : ils commencent en essayant d’en remontrer à la terre entière en faisant du boucan au fond d’un garage, puis ils réalisent qu’en baissant un poil le niveau de distorsion, ça ne sonne pas si mal non plus. On entend même les harmonies, les gars ! Petit à petit, tout au long des années 90, qu’il contribua à inventer avec le power-grunge de “Bandwagonesque” (1991), Teenage Fanclub a donc (r)affiné son style. Comme à un concert, quand les membres du groupe font des signes au type à la console, pour lui demander d’ajuster les niveaux de leur instrument, et ainsi trouver les réglages parfaits, Norman Blake, Gerard Love et Raymond McGinley ont fait baisser les guitares et monter le son de leurs micros-voix. Si la différence se faisait déjà sentir sur l’album précédent “Grand Prix” (1995), “Songs From Northern Britain” serait leur manifeste, l’album archétypique du groupe, exemplaire, presque biblique dans sa structure et sa simplicité. Des chansons du nord de la GrandeBretagne, donc. Car s’ils étaient Ecossais, ils étaient aussi Brit, ce qui, à l’époque, signifiait forcément être pop. Dès leurs débuts, les trois hommes avaient fait un pacte implicite avec le souvenir d’Alex Chilton : consacrer leur carrière à réécrire “September Gurls”, encore et encore. Sur “Songs From Northern Britain”, le groupe réalise ce programme : douze titres, quatre chacun, alternés comme on prend des tours de chant, en se faisant un sourire au moment de se passer amicalement le micro. Les disques les plus simples du monde, les plus agréables, les plus sympathiques dans leur démarche d’humilité face à cet idéal pop qu’est la bonnechanson. Les meilleures ici (“Planets”, “Ain’t That Enough”, “Your Love Is The Place Where I Come From”, pour n’en citer qu’une par songwriter) touchent des sommets carillonnants, à l’épicentre de quelques références cardinales (Big Star, donc, mais aussi les Byrds de Gene Clark et les Flamin’ Groovies de Chris Wilson) que le groupe travaille comme un menuisier travaille son bois ou le sculpteur son bloc de pierre : inlassablement, amoureusement. Parce que c’est sa mission. Et parce que c’est un métier.