Buena Vista Social Club
“BUENA VISTA SOCIAL CLUB”
Avant d’être relancé par la sortie du documentaire de Wim Wenders, l’album “Buena Vista Social Club” avait déjà fait le tour du monde, figuré dans la plupart des palmarès de fin d’année des magazines spécialisés et récolté un bon nombre de Grammy Awards. Naturellement, tout cela ne suffit pas à justifier la place de ce disque dans ces colonnes mais ces quelques précisions anecdotiques permettent au moins de rappeler que ce projet initié par Ry Cooder fut, dès le départ, un phénoménal crossover et, en tout cas, l’album de world music le plus plébiscité depuis “Graceland” de Paul Simon, onze ans plus tôt. L’autre aspect surprenant de cette affaire intervient justement sur la notion de crossover. En effet, s’il a touché tous les publics, “Buena Vista Social Club” ne fait l’objet d’aucun métissage (à la différence de “Graceland”) et n’a donc pas été pensé pour amadouer une audience a priori sans repères. “Buena Vista Social Club” s’est imposé tout seul, par la seule force de cette musique traditionnelle pur jus et la magie d’un collectif intergénérationnel. La première réussite vient d’ailleurs de Ry Cooder qui a eu l’intelligence de se fondre dans le groupe, sans jamais chercher à se mettre en avant. Pour le reste, tout est affaire de talent brut et de ces énormes bouffées de vie qui circulent d’un titre à l’autre. Ce n’est pas par hasard si la plupart de ces chansons ont traversé le siècle du côté de Cuba. Et quand il s’agit de nouvelles compositions (c’est le cas de “Chan Chan”, notamment), on ne fait aucune différence. Il faut dire qu’avec 79 ans de moyenne d’âge, les Compay Segundo, Ibrahim Ferrer et Ruben Gonzales (pour ne citer qu’eux) savent faire parler l’expérience et le savoir-faire. Ensuite, il reste la magie du moment et cette impression criante d’un enregistrement touché par une grâce littéralement universelle. Là, il est clair qu’il sera impossible de résister aux rythmes chaloupés des “El Cuarto De Tula”, “Candela”, “De Camino A La Vereda”, etc. A l’instar d’un “Amor De Loca Juventud” ou de l’instrumental “Pueblo Nuevo”, “Buena Vista Social Club” est le disque d’un autre monde, chef-d’oeuvre sans âge et hors du temps. Tant mieux.