Rock & Folk

Eels

“ELECTRO-SHOCK BLUES”

- SYLVIA HANSEL

“Going To Your Funeral”, “Cancer For The Cure”, “Hospital Food”... Rien qu’en jetant un oeil aux titres, on sait qu’on ne va pas passer le deuxième album de Eels à une merguez party. Pourtant, juste avant la sortie de “Beautiful Freak”, en 1996, Mark Oliver Everett était presque heureux : après de longues années de galère à voir toutes ses démos refusées par les maisons de disques, il réalisait enfin le rêve de sa vie. Un disque dont il était fier allait sortir dans le monde entier. Il en envoya un exemplaire à sa soeur Elizabeth. Qui ne le reçut jamais. Psychologi­quement fragile depuis des années, elle venait de se suicider. La tournée mondiale qui suivit fut un cauchemar pour le musicien en deuil, qui avait déjà perdu son père, le génie de la mécanique quantique Hugh Everett III, à l’âge de 19 ans. Le sort continue de s’acharner : quelques semaines plus tard, on diagnostiq­ue à sa mère un cancer du poumon. C’est dans ces circonstan­ces tragiques qu’Everett compose et enregistre dans sa cave, entouré de quelques amis, “Electro-Shock Blues”. Un album marqué par la perte, hanté par la maladie mentale et les odeurs d’hôpital, mais aussi plein de tendresse et d’instants lumineux. Plusieurs morceaux sont chantés du point de vue de la défunte soeur, à l’image du titre d’ouverture évoquant sa première tentative de suicide, à l’adolescenc­e : “Wakin’upisharder­when you wanna die...” D’emblée, l’ambiance est posée. A l’écoute du projet, le manager de Eels fut catégoriqu­e : “Personnen’a envie d’entendreun disquesurl­a mort !” Il se trompait. “Electro-Shock Blues” est un disque sur la vie. Une oeuvre formidable qui pousse à aller de l’avant, à voir la simple beauté de ce monde et à en profiter, malgré tout. Pour plus belle preuve, “Last Stop : This Town” et sa mélodie pleine d’allant, qui donne le sentiment de cheminer vers un avenir meilleur. Ou “3 Speed”, émouvante plongée dans une enfance heureuse. Ou encore “Climbing To The Moon”, belle à pleurer. Si “Dead Of Winter” est sans doute la chanson la plus triste de toute la discograph­ie de Eels, un message d’espoir clôt l’album : “Everyoneis­dying/And

maybeit’stimetoliv­e”. Si cet album est clairement moins sautillant que le bestseller “Beautiful Freak”, il est aussi plus abouti, profond et intemporel.

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