Deus

“THE IDEAL CRASH”

Tom Barman, l’ex-champion de squash Belge qui préside aux destinées de Deus en compagnie — à l’époque — du taciturne guitariste écossais Craig Ward, aime raconter qu’ils “cherchent à faire la pop la plus aventureuse possible”. Jusqu’à “The Ideal Crash”, cette démarche arty (même s’ils détestent le mot) les entraînait dans toutes les directions en même temps. Les chansons de “Worst Case Scenario” et “In A Bar Under The Sea”, aussi séduisantes qu’agaçantes, changeaient si souvent de point de vue qu’elles frôlaient la cacophonie. On avait beau les aimer, on évitait de trop les écouter pour ne pas se ruiner en aspirine. Toutes proportions gardées, Deus c’était Captain Beefheart et The Birthday Party en même temps. C’est dire si le groupe avait un potentiel. Encore fallait-il qu’il l’exploite au mieux. Le départ de Stef Kamil Carlens, parti fonder Zita Swoon à la fin des séances de “In A Bar...”, va permettre à Deus de mûrir. Le groupe se recentre alors sur l’axe Barman/ Ward, qui se canalisent l’un l’autre plutôt que se monter le bourrichon. Sur “The Ideal Crash”, Deus fait moins le mariole. Cela lui réussit. Sans rien perdre de ses richesses, le groupe a appris à les faire briller. Moins dispersé, plus traditionnellement pop, “The Ideal Crash” évoque d’avantage REM ou les Pixies que Beefheart. Sur scène, où le groupe est dorénavant très à l’aise, on songe même à Sonic Youth. Assagis, les Deus n’en sont pas pour autant devenu polis. “Instant Street” débute par une gentille mélodie mais meurt dans un assaut de guitares vindicatives. Ils sont toujours cinq sur disque (sans compter les invités) et cela s’entend. Mais en Espagne où ils ont passé de longs mois pour accoucher de cet album, ils ont appris à jouer les uns avec les autres plutôt que les uns contre les autres. En mettant de l’ordre dans leur désordre, les Deus font donc plaisir à tout le monde. A eux-mêmes, au public et à leur maison de disques. “The Ideal Crash” est à la fois leur meilleur album et leur meilleure vente à ce jour. Deus est sorti de la zone de turbulence. Le crash n’a pas eu lieu ou alors de manière idéale.