Rock & Folk

Jean-Louis Murat

“MUSTANGO”

- CHRISTOPHE BASTERRA

À l’époque, il est sur la brèche depuis près de vingt ans — son premier disque remonte à 1981. Et pourtant, on ne réussit toujours pas à cerner la vraie personnali­té de Jean-Louis Murat, artiste à succès (“L’Ange Déchu”, “Col De La CroixMoran­d”, “Fort Alamo”) aux chansons nimbées de pop synthétiqu­e, mais qui connaît sur le bout des doigts Robert Wyatt, Neil Young, Van Morrison ou Leonard Cohen. Souvent insaisissa­ble, éternel insatisfai­t, l’homme revient de loin, mais sait surtout qu’il ne peut s’arrêter en si bon chemin. Alors que le 20e siècle touche à sa fin, cet Auvergnat enraciné fait le grand saut : il franchit l’Atlantique, direction New York, où il s’acoquine avec le guitariste Marc Ribot et se lie avec le couple Oren Bloedow/ Jennifer Charles, du groupe Elysian Fields. Puis il pose ses valises à Tucson, Arizona, où il rejoint les âmes de Calexico, Joey Burns et John Convertino. Tous — et quelques autres — se retrouvent au générique d’un cinquième album marqué par un virage organique et une vision éclectique. Mélomane avant tout, Murat — qui a définitive­ment tué Bergheaud (son nom pour l’état civil) — passe en revue quelques-unes de ses addictions musicales. En guise d’ouverture, alors que Jennifer Charles se métamorpho­se en sa Nancy Sinatra, il décline sur “Jim – L’Héritier Des Flynn” un romantisme suranné sur fond de mélodie pop imparable. Les dés sont jetés. Jouissant d’une nouvelle liberté, il traîne ses guêtres dans quelque club de jazz de Greenwich Village (“Les Hérons,” teinté de mélancolie) puis de “Belgrade”. Il déclare sa flamme à “Polly Jean” (Harvey) sur une rythmique presque rockab’ avant de franchir son “Harvest” le temps de “Nu Dans La Crevasse”, morceau de bravoure embelli de choeurs gospel. Avant “Le Fier Amant De La Terre” (final soul porté par un orgue tiré à quatre épingles), il s’est accoudé au piano (“Mustang”, “Au Mont Sans-Souci”), a joué la carte de la mélodie échevelée (le satirique “Les Gonzesses Et Les Pédés”) et tiré deux fois en plein coeur (“Bang Bang”, duel sans soleil avec la lascive Jennifer). Touché. “Oui,

je vois mieux qui je suis, là”, entonne-t-il sur “Viva Calexico”. On le croit sur parole. Car “Mustango” est pour Murat l’album de la (re)naissance. L’homme jette son passé aux orties pour mieux s’affranchir et n’en faire qu’à sa guise. Sans garde-fou, pied au plancher.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France