The Go
“WHATCHA DOIN’ ”
Groupe bicéphale mené par le chanteur Bobby Harlow et le guitariste John Krautner, The Go était ce qui se faisait de plus sauvage dans le Michigan à l’orée des années 2000. Des héritiers des Stooges et de MC5 dont le premier album “Whatcha Doin’ ” fut l’élément déclencheur d’une vague de groupes venus de Detroit qui allaient envahir les ondes. Jack White était alors guitariste du groupe, et The Go se distinguait par son allure menaçante et son approche rock’n’roll sans compromission. C’est Kim Fowley qui repéra le groupe lors d’un concert en 1998 et transmit à Sub Pop les démos enregistrées chez White. Dans une Amérique toujours orpheline de Nirvana, le label vit en ces rockers charismatiques des stars potentielles et poussa pour une sortie rapide. “Whatcha Doin’ ” fut enregistré en une semaine chez les Ghetto Recorders de Jim Diamond. Ce qu’on y entend ? Un boogie stoogien traversé de riffs de guitares cinglants et de refrains pop où le son de guitare suraigu de Jack White sur les solos est déjà identifiable. Le son poisseux des productions Ghetto Recorders donne à l’album une patine typique du rock’n’roll de la Motor City. Des riffs telluriques de “Meet Me At The Movies” et “Whatcha Doin’ ” aux boogies lourds de “Keep On Trash” et “But You Don’t Know”, l’album représente l’incarnation même du son de Detroit. Surtout, avec Krautner et Harlow, The Go possédait un duo d’auteurs capables d’extraire du chaos des chansons pop aux refrains imparables (“Summer Sun Blues”, “It Might Be Good”). Malheureusement, l’album marqua la fin de la collaboration du groupe avec Jack White. A l’étroit entre ces fortes personnalités, gêné par la clause d’exclusivité du label de Seattle qui l’empêchait de développer son autre projet (un duo nommé The White Stripes), le guitariste fit défection. Le groupe persista malgré tout avec “Free Electricity”, album space-rock furieux que Sub Pop refusa de publier. Trop barré, trop déviant. Refusant de se compromettre, The Go quitta le navire avec ses idées, laissant “Free Electricity” entrer dans la légende des albums fantômes (il est toujours inédit à ce jour et ne circule qu’en pirate). Au même moment, les White Stripes explosaient, entraînant Von Bondies et Detroit Cobras dans leur giron. Le train du succès était déjà passé pour The Go, initiateurs du mouvement, mais destinés à demeurer cultes à jamais.