Rock & Folk

Iggy Pop

“AVENUE B”

- ISABELLE CHELLEY

En 1996, sur “Naughty Little Doggie”, Iggy se vantait d’être meilleur qu’un Pepsi et plus cool que MTV, avant d’ajouter : “Je veux vivre, vivre, vivre, vivre, vivre (juste un petit peu plus longtemps).” Tiens, l’Iguane indestruct­ible se souciait-il de sa mortalité, lui qui avait tiré sur la corde si souvent qu’il avait fini par lasser la Faucheuse ? Trois ans et un divorce plus tard, “Avenue B” s’ouvre sur “No Shit”, morceau de spoken word donnant envie de se pendre à tout quinquagén­aire, sur lequel l’ex-morveux s’aperçoit qu’il a vécu plus de la moitié de sa vie et que ça ne lui fait pas vraiment plaisir. L’armure se fendille et Iggy Pop s’efface, laissant entrevoir l’âme de Jim Osterberg — qui avoue, par exemple, sur le bref et glaçant “Afraid To Get Close”, mettre de la distance entre lui et les autres et se demande combien de temps cela pourra encore durer. La suite n’est pas plus légère, à de rares exceptions. L’heure est à la ballade et au mid-tempo lorsque les choses s’emballent, les arrangemen­ts sont minimalist­es, et, au milieu de cette épure, émerge la voix d’un crooner, celle qu’on avait toujours devinée, même noyée sous des couches d’électricit­é et de metal. Le conteur d’histoires pas drôles se dévoile aussi. Une autre incursion dans le spoken word, “She Called Me Daddy”, a tout d’une confession et décortique une rupture, avec Iggy dans le rôle du pauvre/ sale type n’ayant pas su retenir une fille dont il méprisait la futilité, mais appréciait la chair fraîche. Le tout sur fond de violons. C’est une transition parfaite pour l’étonnant “I Felt The Luxury”, qui sonne comme un exercice de poésie beat avec, en invités, le trio de jazz contempora­in Medeski, Martin & Wood. Là encore, les désirs de Jim ont primé sur celui d’Iggy qui, lui, préfère reprendre “Shakin’ All Over” de Johnny Kidd & The Pirates, un choix si évident qu’on y prête à peine attention. A sa sortie, “Avenue B”, accompagné d’une tournée où l’Iguane jouait un set acoustique, a effrayé les fidèles. Trop de vulnérabil­ité exposée, plus dérangeant­e que les plaies à vif sur le torse du jadis fringant et déjanté Iggy Stooge. On refuse de voir vieillir ses héros. En attendant, Iggy le fait ici avec beaucoup de grâce, sans trop s’apitoyer sur son sort, conscient, l’espace d’un instant, qu’il a peut-être passé l’âge de brailler “Lust For Life”.

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