Michel Houellebecq

“PRESENCE HUMAINE”

Nous voilà face au cas typique de l’album ignoré : ignoré par le grand public, “Présence Humaine“le fut également des branchés de l’époque, pour qui la musique avec instruments était synonyme de Moyen Âge, puis ignorée de Houellebecq lui-même, qui entretient un ressentiment étrange pour cette oeuvre. Pourtant, ce disque écrase la production française de ce début de siècle, surtout quand celle-ci s’appelle Dionysos, Blankass et Mickey 3D. L’idée de collaborer avec Michel H naît dans l’esprit de Bertrand Burgalat dès 1995, quand celui-ci tombe sur un extrait d’ “Extension Du Domaine De La Lutte“dans Libération. Finalement présentée en 1997, au moment où l’écrivain fignole “Les Particules Elémentaires“, Houellebecq montre ses poèmes à Burgalat qui y voit “l’expression de ce que j’essayais de dire musicalement”. “Séjour Club”, première collaboration entre les deux hommes, sort en 1997 sur une compilation Tricatel au Japon et commence ainsi : “Le poète est celui qui se recouvre d’huile, avant d’avoir usé les masques de survies.” Alors que “Les Particules...” sortent de terre, laissant la France KO, Burgalat débauche le groupe Eiffel, sous les conseils de Peter von Poehl, pour accompagner Houellebecq dans une série de concerts qui resteront majoritairement incompris. En août 1999, ce petit monde entre au studio Garage pour enregistrer l’album. Houellebecq, étranger à la notion de 4/4, se repère dans les morceaux avec la trotteuse de l’horloge du studio. Bien qu’il ne chante jamais, sa voix, logée dans les mélodies et la production précieuses de Burgalat, rythmée par ses poèmes définitifs sur l’effacement progressif de l’humanité, s’avère incroyablement belle et hypnotique. Pour preuve : le symboliste rock Yves Adrien, en tombant sur un Houellebecq avachi et ivre, a un flash : “Ce gars, c’est un tueur, c’est Vince Taylor.” S’ensuit une tournée avec les futurs AS Dragon, un passage chez Drucker, puis une lente dégringolade des relations entre Houellebecq et Burgalat qui se réglera dans “La Possibilité D’Une Ile”. Le disque se vend à 12 000 exemplaires et l’histoire pourrait en rester là. Seulement, bien que certaine partie refuse de le reconnaître, nous sommes en présence d’une des plus belles collaborations entre la poésie et de musique Pop. Le genre d’album que, tel “... Melody Nelson” de Vannier/ Gainsbourg, le monde finit par nous envier.