Rock & Folk

Radiohead

“KID A”

- BASILE FARKAS

En ce dernier automne du millénaire, l’attente est phénoménal­e autour du quatrième album de Radiohead, successeur d’ “OK Computer”. En juin, le groupe d’Oxford a mis ses sandalette­s pour faire la tournée des arènes antiques du Sud de l’Europe et dévoiler ainsi quelques nouvelles chansons intrigante­s. La rumeur naît, tandis que les mp3 live piratés s’échangent sur Napster : Thom Yorke et ses très sérieux collègues auraient carrément “abandonné les guitares”. Puis le disque arrive, précédé de mini-vidéos étranges, balancées sur un Internet balbutiant. Et que dire de cette pochette pixellisée ? Le choc est de taille lorsque résonne l’intro de “Everything In Its Right Place”. Un son synthétiqu­e d’une grande beauté occupe la stéréo et, de fait, l’album n’est plus vraiment celui d’un groupe à guitares. Dix titres, souvent assez dépouillés où le lyrisme supposé de Thom Yorke et les arrangemen­ts habituelle­ment fournis du quintette ont disparu. Une nouvelle donne, oui. Il existe alors encore une certaine innocence sonore, tout n’est pas encore disponible ni délavé : entendre du piano Rhodes, des rythmes joués sur un synthétise­ur modulaire, des ondes Martenot ou une section de cuivres free est encore une expérience fascinante. Une scission en tout cas se crée alors chez les fans de rock : d’un côté ceux qui pensent que Radiohead et son producteur Nigel Godrich inventent le futur avec ce disque à la tristesse synthétiqu­e. De l’autre ceux qui préfèrent encore s’enquiller le vilain “Standing On The Shoulders Of Giants” d’Oasis plutôt que de s’infliger ces 50 minutes plus prétentieu­ses que du Björk (qui d’ailleurs vient alors de copuler en studio avec Thom Yorke). Réécoute quatorze années plus tard : “Kid A” a vieilli. Les belles chansons (“How To Disappear Completely”, “Optimistic”, “Morning Bell”) sont présentes, inaltérabl­es, magnifique­s. Mais pas majoritair­es. “Treefinger­s” est à peu près aussi passionnan­t que du Eno joué à un doigt, “The National Anthem” qu’on prenait pour une fusion démente entre Coltrane et les Stooges, sonne en fait comme du trip-hop un peu moisi. La production, comme souvent sur les disques de ce genre, semble aujourd’hui très datée. “Kid A” est comme un premier amour : peu importe la réalité, si le souvenir est beau. Sept mois après, Radiohead, publiait “Amnesiac”, issu des mêmes séances et également très disparate.

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