Rock & Folk

The Dirtbombs

“ULTRAGLIDE IN BLACK”

- ERIC DELSART

Mick Collins est un homme de concepts. Son premier groupe, The Gories, était une affaire minimalist­e : deux guitares aigrelette­s, une batterie simpliste, un minimum de solos pour un maximum de dissonance. Un retour aux préceptes des pionniers du rock garage qui a fait de Collins une légende vivante dans sa ville natale de Detroit. A la disparitio­n de ce groupe culte, Collins a décidé d’en prendre le contre-pied. Il n’y avait pas de basse chez les Gories ? Il y en aurait deux chez les Dirtbombs, et deux batteries aussi pour faire bonne mesure, l’idée étant d’enregistre­r avec cette formations singulière des disques dans tous les genres possibles. Les Dirtbombs ont ainsi enregistré depuis 1999 un album glam (“Dangerous Magical Noise”, 2003), un disque bubblegum (“Ooey Gooey Chewy Ka-Blooey !”, 2013) et même un disque de techno minimalist­e façon Detroit (“Party Store”, 2011), mais leur chef-d’oeuvre absolu reste “Ultraglide In Black” dans lequel Mick Collins rend hommage aux disques soul et funk qui ont bercé son enfance. Les Dirtbombs y reprennent des classiques de Stevie Wonder (“Living For The City”), Curtis Mayfield (“Kung-Fu”), Thin Lizzy (“Ode To A Black Man”), Marvin Gaye (“Got To Give It Up”) avec l’ampli à 11. Deuxième album des Dirtbombs après “Horndog Fest” — un véritable non-sens lo-fi — “Ultraglide In Black” met enfin à l’honneur l’alchimie unique du groupe grâce à la production chaleureus­e de Jim Diamond (arme secrète du groupe et gourou de la fuzz) : les deux batteries synchrones emplissent l’espace, une basse assure la pulsation, l’autre baigne les morceaux d’une fuzz tranchante comme une lame de rasoir. Portés par la voix de soulman de Mick Collins, les morceaux dynamités par le quintette prennent un nouveau sens. “Chains Of Love” de JJ Barnes devient une complainte vindicativ­e, “Underdog” de Sly & The Family Stone un hymne vibrant, les sucreries funky “The Thing” de Larry Bright et “Living For The WeekEnd” des O’Jays se muent en feux follets boogaloo, et, enfin débarrassé de ses violons cheesy et noyé de saturation, “I’m Qualified To Satisfy You” de Barry White s’avère étonnammen­t audible. Les Dirtbombs ne font pas que reprendre des chansons, ils les transfigur­ent, se les approprien­t et inventent une nouvelle façon de jouer la soul.

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