Rock & Folk

Muse

“ORIGIN OF SYMMETRY”

- JEROME SOLIGNY

S’il se mesure d’abord à l’aune de ses ventes de disques, l’impact d’un groupe se juge également à l’influence qu’il a eue sur les autres et notamment ses suiveurs plus ou moins déclarés. Non content d’avoir montré la voie à Coldplay qui en proposera une version plus pop et lisible, Radiohead a littéralem­ent traumatisé Muse dont la musique, avec cet album paru en 2001, allait s’imposer comme une relecture, à la fois plus euphorique et dramatique, de celle du quintette de Thom Yorke. Tandis que les détracteur­s, offusqués par l’outrecuida­nce d’un “Showbiz” asséné avec fracas deux ans plus tôt par Matthew Bellamy (chant, guitare), Chris Wolstenhol­me (basse) et Dominic Howard (batterie), n’avaient pas fini de ruminer, “Origin Of Symmetry”, poussant le bouchon encore plus loin, leur sonna les cloches de manière encore plus virulente. L’album, écrit en majeure partie lors de la tournée à rallonge qui a suivi la parution du précédent opus de Muse, et dont le titre a été inspiré à Bellamy par les travaux de Charles Darwin, est une allusion au mystère de l’équilibre, précaire mais bien réel selon le musicien, qui caractéris­e l’univers. Le disque déborde d’un rock chantilly qui jaillit des haut-parleurs dès le premier titre. Ce n’est d’ailleurs pas par hasard que “New Born” a été le deuxième single extrait de l’album juste avant sa sortie. L’introducti­on arpégée, le riff rageur traité hard, la cavalcade éperdue sous les vocalises qui mènent à un des refrains les plus alambiqués de la première décennie des années 2000 sont les ingrédient­s de ce parfait résumé des hostilités que Muse déclenche aussi sur chacun des dix titres à suivre (“Bliss” est construit sur un mode similaire). Enregistré par Leckie et Bottrill partout où le groupe a pu se poser entre les concerts (notamment à Abbey Road et l’Astoria de David Gilmour), l’album est une montagne de cristal vibrante, théâtre de joutes guitaristi­ques (avec son ombre) et d’incursions vocales de Bellamy dans des aigus interdits même à Freddie Mercury. N’hésitant pas à saupoudrer son rock d’electro — la basse synthé de “Plug In Baby” est pompée à “Sexy Boy” de Air — à griffer de guitare des suites d’accords dignes de Yes et à débouler comme un chien punk dans un jeu de quilles rock, Muse exposait là sa propre symétrie, une matrice dont la suite n’avait plus qu’à découler.

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