Rock & Folk

Wilco

“YANKEE HOTEL FOXTROT”

- FRANCOIS BACHERIG

Wilco avait toujours surpris en bien. Après avoir tutoyé le mystère des Beatles, du Band, des Beach Boys ou des ballades du Velvet Undergroun­d (pas les plus mauvaises adresses, donc), le groupe ne pouvait plus que déconstrui­re pour livrer un album torturé et excessif aux influences explosées. Le résultat est splendide : un autoportra­it, on l’espère imaginaire, de Jeff Tweedy, oscillant entre mélancolie (“Jesus, etc”) et euphorie (le percutant “I’m The Man Who Loves You”), vapeurs d’alcool et lueurs d’espoir. Ce sont là des contrées musicales peu fréquentée­s, sauf par le troisième Big Star ou certains passages de “OK Computer” (l’humilité folk en plus) : un début chaotique, les instrument­s partent dans tous les sens et la voix de Tweedy se pose, en flux de conscience, fragile et rassurante, ordonnant tout cela (“I Am Trying To Break Your Heart”). Avec le sorcier Jim O’Rourke au son et mixage, les couches de synthé hystérique­s de “Summerteet­h” ont cédé du terrain, laissant la priorité au chant et à quelques harmonies instrument­ales bien étranges. De toute façon, les compos sont déjà assez complexes pour qu’il n’y ait pas à en rajouter. On pourrait certes réduire l’album à ses moments les plus noirs, ces “Radio Cure” ou “Ashes Of American Flags” où Tweedy touche le fond, la voix mise à nu. Mais ce serait nier la profonde cohésion du disque dont les titres s’enchaînent comme par miracle, oscillant sans cesse entre deux extrêmes. Quand “Ashes Of American Flags” — la sortie de l’album était à l’origine envisagée le 11 septembre 2001... — s’achève sur quelques accords dissonants de piano, difficile d’admettre que ces mêmes accords ouvrent le morceau suivant, la merveille pop nostalgiqu­e de trois minutes “Heavy Metal Drummer” (“Je regrette l’innocence de l’époque où je reprenais du Kiss, l’air

stoned et béat...”), suivie de deux autres titres tout aussi jouissifs. Meilleure façon de faire avaler la pilule finale, une chanson définitive façon “A Day In The Life” s’achève par les signaux radio qui donnent son titre au disque (les lettres Y, H et F) avant une coda résignée, “Reservatio­ns”. Quand cette dernière se prolonge en instrument­al planant, manière de quitter l’album sur la pointe des pieds, on semble émerger d’un long rêve. Dans “War On War”, Tweedy chante ce qui lui semble la clef du disque : “Il faut apprendre comment mourir si l’on veut être vivant.”

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France