Rock & Folk

The Libertines

“UP THE BRACKET”

- BUSTY

Douze ans après, alors que l’Up The Bracket Alley (celle de la vidéo) est devenue un lieu de pèlerinage, il est devenu presque trop facile de voir un présage dans le titre (référence à un poing dans la gueule ou à l’absorption de cocaïne) tant les deux significat­ions possibles auront marqué l’histoire des Libertines. Le disque, sorti un an après le premier Strokes sur le même label, apparaît immédiatem­ent — malgré des scores peu fameux dans les charts — comme une offensive majeure côté anglais. S’il a été conçu partiellem­ent comme une réponse aux Strokes, c’est le contraire du très cool “Is This It”. Passionné, lyrique et super bien sous-produit — merci Mick Jones — ce premier disque très britanniqu­e fait l’effet d’un coup de massue : balayant toute objection du revers de la main (“I Get Along”) ou avec deux doigts, le fameux V anglais qui signifie “va te

faire foutre” (“Up The Bracket”), il réclame toutes les femmes (“Boys In The Band”), toute l’attention (“Radio America”) — et toute la drogue, aussi ? Faisant référence à Boadicée, à James Joyce, à une jeunesse à demi perdue (mais lettrée) dans un Londres menaçant et romantique, l’ensemble, entre les Jam et les Clash, est une déclaratio­n de guerre. La gloire ou la mort, entre les deux la lutte pour se faire entendre, le choix est toujours binaire, le fatalisme côtoie l’euphorie, un tic d’écriture qui ne quittera jamais ni Barât ni Doherty. C’est également bien entendu une lutte de pouvoir entre les deux leaders, qui se partagent le micro, se répondent, inaugurant un chant en forme de dialogue qui sera essentiel à leur second opus (2004). Ils font à l’époque plutôt front uni mais laissent entendre leurs frustratio­ns au moins sur “Tell The King”, évoquant “un château bâti sur du

sable” et “The Good Old Days”, parenthèse mélancoliq­ue arguant (dès le premier album, donc) qu’il n’y a jamais eu de jours heureux — qu’au mieux, ils les vivent actuelleme­nt. Le vaisseau Albion a déjà pris l’eau, mais poursuit sa route vers l’Arcadie. Bref, on ne peut pas gagner : c’est le sens de “Time For Heroes”, histoire d’amour sur fond d’émeutes (“nous mourrons dans la classe qui nous

a vus naître”). Et surtout, il faudra dire adieu au romantisme des bas-fonds, que ce soit pour la gloire ou pour la mort : le groupe aura créé sa mythologie en la démolissan­t sur-le-champ.

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