The White Stripes
“ELEPHANT”
Boom, boom ou le bruit de l’éléphant mettant les deux pieds dans l’eau. Jouée sur la guitare transformée en basse monolithique, la mélodie remonte en surface pour annoncer un déploiement imminent d’artillerie lourde : “Seven Nation Army”, simple ahurissant. “Black Math” aurait pu figurer sur le deuxième album et “There’s No Home For You Here” annonce la couleur épique. Mi-spectoriens, mi-mercuriens, les choeurs glissent le long d’un rythme qui aurait plu à John Bonham. Sorti sous six pochettes différentes suivant les coins du globe, “Elephant” est le disque avec lequel la fausse fratrie de Detroit devint énorme. Enregistré en dix jours et sur huit pistes à Londres, au studio Toe Rag de Liam Watson, ce quatrième album réinjecte perspective et dimension dans la musique américaine. Plus calme, la face B s’ouvre sur une reprise concassée de “I Just Dont Know What To Do With Myself”, signée David-Bacharach, qui donne envie de filer dans sa chambre réécouter Dusty Springfield. Susurré par Meg, sans batterie et avec un orgue félin, “Cold, Cold Night” se faufile dans une gouttière où se croisent Brenda Lee et Thee Headcotees. Ponctuées de quelques accords de guitare sèche, les paroles de “You’ve Got Her In Your Pocket” sont d’une simplicité désarmante. La face C, la plus violente, débute par “Ball And Biscuit”, blues classique renvoyant aux souffles rauques et profonds de Muddy Waters ou de Howlin’ Wolf. Meg apporte la respiration nécessaire à l’enclenchement de “The Hardest Button To Button”. Peu soucieuse des fioritures, elle cogne d’une même frappe lourde et hypnotique. Jack White persévère à aller chercher ses compositions là où elles sont le moins attendues. Il passe au piano puis noie sa guitare dans un déluge de distorsion, afin de livrer la bonne potion de “Little Accorns”. En face D, les White Stripes commencent par tirer leur chapeau aux Buff Medways (dernier groupe en date de Billy Childish) puis au Medway Sound en général. Ils sortent les grandes orgues avant de définitivement casser les oreilles aux voisins en hurlant dans le garage “Girl, You Have No Faith In Medicine” sur un riff emprunté aux Kinks. Chanté en trio avec Holly Golightly, vache et précieux comme un moment qui tchatche d’amour et d’amitié, “It’s True That We Love One Another” clôture sans que l’éléphant se soit fait croquer la trompe par un crocodile.