Grandaddy
“SUMDAY”
L’an 2000, ça n’a pas été les robots intelligents nous parlent, mais plutôt Word qui plante tous les quarts d’heure. Tous ceux qui ont été gamins dans les années 80 ont éprouvé au tournant du millénaire le coup de barre de la génération Casimir. Mercury Rev, Sparklehorse ou les Flaming Lips avaient alors ressenti la nostalgie néo-psyché de la Dictée Magique et du son des premiers synthés face à une technologie devenue barbante et impersonnelle. Grandaddy l’avait encore mieux compris et c’étaient quatre barbus (et un imberbe) qui célébraient le blues des bits sur “The Sophtware Slump” sans manquer de s’adresser aux gens contraints de subir ce monde déshumanisé. “Sumday” poursuit le mouvement, en un peu plus touche-àtout. On y retrouve ce son bricolé, parfois un peu trop satisfait de ne pas se fouler ( cf le jeu du batteur), un tantinet plus clair cependant que sur l’album précédent. S’y trouvent quelques réussites immédiates comme “I’m On Standby”, “OK With My Decay” ou “The Group Who Couldn’t Say”, satire jubilatoire d’un monde où on ne remarque même plus ce qui se trouve devant notre nez. Là où Grandaddy réussit à repousser ses limites, c’est dans l’enchaînement des chansons, avec des effets et mises en valeur tactiques qui renforcent une écriture et une production de plus en plus subtiles à mesure que le disque défile (superbes “‘Yeah’ Is What We Had”, “Saddest Vacant Lot In All The World”, “The Warming Sun”) jusqu’au flamboyant “... Final Push To The Sum”. Grandaddy continue sans doute de creuser son sillon (à la différence des Lips ou de Wilco) même si sa récolte 2003 prolonge le charme contemplatif du cru 2000, en mûrissant sans jamais cesser de nous ouvrir les yeux.