Rock & Folk

MarkLanega­n Band

“BUBBLEGUM”

- ERIC DELSART

Membre itinérant du barnum stoner des Queens Of The Stone Age au début des années 2000, Mark Lanegan s’est retrouvé en pleine lumière lorsque le groupe de Josh Homme a percé. Au sein de cette équipée de freaks, Lanegan demeurait une présence étrange, ce type menaçant planqué à l’arrière-plan sur les photos de presse, le regard perpétuell­ement sombre et la mâchoire serrée. Muet dans les interviews, il ne montait sur scène en concert que pour poser son timbre rocailleux sur les morceaux les plus sombres du groupe, avant d’en repartir sans cérémonial. Avant cela, Lanegan avait été le chanteur d’un des meilleurs groupes grunge de Seattle, The Screaming Trees, dans lequel il n’écrivait ni ne composait. Pour pallier ce manque, Lanegan se lança en parallèle dès 1990 dans une carrière solo où ses obsessions folk et blues éclatèrent au grand jour — il est notoiremen­t celui qui a fait découvrir Leadbelly à Kurt Cobain — livrant ses tourments de junkie héroïnoman­e sur des chansons terriennes éloignées de la furia psychédéli­que des Screaming Trees. Quand sortit son sixième album en 2004, c’est auréolé de son succès avec les Queens Of The Stone Age que Lanegan se présenta au grand public qui comprit alors pourquoi il ne souriait jamais. “Bubblegum” est un disque de survivant, une plongée dans les ténèbres de l’âme torturée de son auteur. Derrière la carcasse imposante et la façade impénétrab­le se révèle un homme abîmé, hanté par ses errances passées (“One Hundred Days”), qui évoque de sa voix marquée par des années d’abus divers sa propre mortalité (“Wedding Dress”), ses tendances autodestru­ctrices (“Bombed”) et la bête qui sommeille en lui (“Driving Death Valley Blues”). C’est le disque d’un homme qui a vu mourir ses amis et qui s’interroge sur le pourquoi de sa propre survie (“When Your Number Isn’t Up”). Habitué des apparition­s sur les disques des autres, Lanegan réunit ici un impression­nant casting d’invités : l’omniprésen­t Josh Homme, Greg Dulli d’Afghan Whigs, Izzy Stradlin et Duff McKagan de Guns N’Roses, PJ Harvey sur deux titres. Cet attelage donne une couleur rock à l’album, bien plus lourde que ce proposait d’ordinaire Lanegan en solo, à l’image de ce “Methamphet­amine Blues” brûlant. Il permet surtout de mettre en valeur sa voix profonde, une des plus belles de sa génération, qui trouvait sur “Bubblegum” un répertoire à sa mesure.

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