Gram Parsons

“GP” REPRISE

Lorsque son premier album solo paraît en janvier 1973, Gram Parsons a trois groupes derrière lui et quelques accomplissements majeurs. Tombé amoureux du rock’n’roll via Elvis, comme bien d’autres, ce rejeton d’une riche famille sudiste n’a pour autant jamais renié son amour de la country traditionnelle. Et n’a eu de cesse de concilier ces deux pôles alors antagonistes, dès 1967 avec The International Submarine Band (“Safe At Home”) et, plus notoirement, par sa collaboration décisive au “Sweetheart Of The Rodeo” des Byrds (1968) rejoints l’espace de quelques mois. Habité par la vision d’une cosmic american music qui fédérerait toutes les chapelles, Parsons monte ensuite The Flying Burrito Brothers avec le Byrds Chris Hillman et signe à leurs côtés les magistraux “Gilded Palace Of Sin” (1969) et “Burrito Deluxe” (1970), qui agrègent avec finesse country, rock, psychédélisme, tex-mex et soul. Parsons délaisse pourtant son groupe pour suivre le sillage des Stones : très lié à Keith Richards, qu’il ouvre à la country et dont il partage les habitudes opiacées, il accompagne les Stones lors de leur tournée anglaise en 1971, puis dans le Sud de la France pendant l’enregistrement d’ “Exile On Main St”. A son retour à Los Angeles, Parsons décide de se lancer en solo et s’entoure du groupe d’Elvis, notamment du guitariste James Burton et du joueur de pedal steel Al Perkins. Exceptionnel interprète, chanteur de rares nuances, il penche ici plutôt vers la country, avec des reprises (“Streets Of Baltimore”, “That’s All It Took”) ou des compositions où il dessine une voie sensible, à rebours des clichés machistes, illuminée des contre-chants d’Emmylou Harris. Les choses ne sont bien sûr pas si simples. Un rhythm’n’blues emprunté au J Geils Band (“Cry One More Time”), un pur rock’n’roll signé de sa main (“Big Mouth Blues”) réorientent l’album sur sa fin. Parsons, surtout, excelle dans les ballades déchirantes et celles de cet album sont ses plus belles (“A Song For You”, “The New Soft Shoe” et “She”). Le chanteur enregistrera une suite à “GP”, le jumeau “Grievous Angel”, qui sortira un an plus tard, puis c’en sera fini. Une overdose de tequila et de morphine dans le désert de Joshua Tree, à 26 ans, puis un culte, une vénération qui enfleront peu à peu. Gram Parsons est l’homme qui a rendu la country cool aux yeux et aux oreilles de plusieurs générations de rockers. BERTRAND BOUARD