Rock & Folk

Kim Fowley

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“INTERNATIO­NAL HEROES” CAPITOL

Sa légende le dépasse. Kim Fowley a créé les Runaways, fourni en chansons les Byrds, Kiss, Alice Cooper, Leon Russell, Cat Stevens, Kris Kristoffer­son, produit The Modern Lovers, Gene Vincent, Soft Machine, il a permis aux Hollywood Argyles de décrocher un numéro un alors qu’il n’avait que 20 ans, il a bluffé Frank Zappa, a failli devenir chanteur des Stooges, a été repris par Sonic Youth... Seul problème : son mythe éclipse ses albums solo. Selon le rock-critic Robert Christgau, c’est calculé : ses disques étant pourris, Fowley fait tout pour détourner l’attention. On peut le voir sous cet angle : un charlatan qui court après les modes à des fins mercantile­s. Les Stones envahissen­t les Etats-Unis ? Il signe tous leurs clones. Le psyché explose ? Il compose illico “The Trip”. Les hippies sont dans le vent ? Il titre “Love Is Alive And Well”. L’époque se durcit ? Ses déclaratio­ns suivent la tendance : “Guerilla warfare has begun. The streets

belong to the people.” Pas la peine d’être Einstein pour décoder la pochette de “Internatio­nal Heroes” (1973) et comprendre quel goût du jour Fowley récupère. Recto : gros plan sur son visage maquillé à la truelle, avec peinture bleue. Verso : cape en fourrure, platform shoes argentées. Sachant que Fowley enregistre ce disque à Londres : OK, il se réinvente en glam-rocker. L’album pompe sans vergogne les succès du moment : Mott The Hoople, David Bowie, T Rex, Roxy Music... Et pour la touche américaine, un zeste de “Transforme­r” et de New York Dolls... “Internatio­nal Heroes” est-il l’oeuvre d’un faussaire ? Assurément. Poubelle ? Sûrement pas. Fowley s’impose ici comme un falsificat­eur de haut vol, le Elmyr de Hory du glam. Avec des chansons aussi classe que “I Hate You”, “Born Dancer”, “ESP Reader”, l’album se hisse au niveau du meilleur de l’époque, sur le podium des outsiders magnifique­s avec “The Psychomodo” (Cockney Rebel) et “Aquashow” (Elliott Murphy) — Fowley prenant lui aussi des intonation­s à la Dylan. Lapider l’auteur de “Something New” parce qu’il copie sur ses voisins ? La pop music a toujours fonctionné sur l’appropriat­ion. Ce qu’il faut créditer à la légende Kim Fowley : il y a également un côté Robin des Bois chez ce voleur à la tire. Il fait les poches aux riches pour redistribu­er aux auditeurs — et avec “Internatio­nal Heroes”, la redistribu­tion est magnanime. BENOIT SABATIER

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