Rock & Folk

John Cale

“PARIS 1919” REPRISE

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John Cale a toujours été trop doué pour tout. Véritable couteau suisse de la musique moderne, il sait tout faire et ne s’en prive pas. Après avoir été successive­ment jeune musicien prodige au pays de Galles, comparse de John Cage puis de La Monte Young, membre fondateur du Velvet Undergroun­d et responsabl­e de son aspect radical (violon grinçant, piano martelé, orgue saturé, voix froide racontant d’horribles histoires), producteur de rock hurlant ( cf le premier album des Stooges), il s’est lancé dans une carrière solo tout aussi erratique. En 1970, il livre un premier album de chansons bizarremen­t normales (“Vintage Violence”), un duo instrument­al avec Terry Riley l’année suivante (“Church Of Anthrax”), puis un disque de musique contempora­ine (“The Academy In Peril”). Le (maigre) public n’a qu’à suivre. En 1973, John Cale réside à Los Angeles, rémunéré par Warner en tant que producteur maison. Il se la joue Californie, soleil et showbiz. Sauf qu’il y enregistre ce “Paris 1919”, probableme­nt l’album le plus européen de sa carrière. Costumé de blanc, dandy somnambule, John Cale y évoque tour à tour son enfance galloise, l’Andalousie, Macbeth, le Paris du début du siècle, Graham Greene et l’Antarctiqu­e... Musicaleme­nt c’est un véritable patchwork, puisque l’artiste y est accompagné par des membres de Little Feat, le guitariste Lowell George en tête — on peut difficilem­ent trouver plus américain — et par un grand orchestre qu’il dirige de main de maître, alternant cordes nerveuses, dissonance­s subtiles et romantisme échevelé. Inutile de préciser que le résultat ne ressemble à rien de connu, la voix de Cale, grave et martiale, s’accommodan­t magnifique­ment de cet écrin inouï. C’est également l’un des albums de John Cale les plus faciles à écouter, harmonieux et léché. Seul inconvénie­nt, “Paris 1919” n’aura pas séduit le grand public (aucun autre non plus, d’ailleurs). Sans doute parce que derrière cette beauté on sent le malaise, l’étrangeté... C’est évidemment ce qui lui confère son charme sulfureux. STAN CUESTA

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