Lynyrd Skynyrd

“(PRONOUNCED ’LEH-’NERD ’SKIN-’NERD)” MCA

Il ne fallait pas aller fouiller bien loin en 1973 pour comprendre les raisons pour lesquelles les groupes du Sud se mettaient à pulluler comme de méchantes teignes. Les Lynyrd Skynyrd faisaient alors exactement ce que tous les groupes anglais avaient proposé à leur époque : la hargne, la haine, bref, ils mettaient le feu et gardaient du kérosène en bonus. Avec l’esprit dur-àcuire et bêtement méchant des petits Blancs de sous la ceinture de la Bible. Et ce sens de la terre grasse, de la religion violée dès la sortie du confessionnal avec l’assurance matoise des gens qui n’ont rien à perdre. Sexe, paille et rock’n’roll. Pour le faire court et nerveux “(Pronounced ’L h-’nérd ’Skin-’nérd)”, produit par Al Kooper, c’est du triple sec. Revigorant. D’abord il y a trois guitaristes, trois : Gary Rossington, formidable soliste sous tension, Allen Collins tout en jubilants loopings et grosse dentelle tachée, et Ed King, le kid du Mississippi qui a carrément joué les parties de basse —— et jamais personne ne se permet de laisser échapper son bout de gras. Tout cela rue dans le tas comme un bronco lacéré par les pointes des éperons, mord dans la poussière, rebondit dans le métal, creuse le bois et y laisse ses doigts. Même les parties acoustiques sont écorchées nues, faisant un joli tapis de sang sous les charges, rodomontades et glissades des gros amplis Marshall. Chez les Lynyrd, on ne perd pas la face. Il faudrait parler du piano-bordel aussi. Ce groupe est un gang de terreurs absolues, tous les shérifs de Georgie s’en souviennent encore. A force d’hésiter entre musique et braquages de banques, il était logique que notre rock s’en souvienne. Ronnie Van Zant chante exactement comme s’il faisait un doigt à une armée de flics le tenant en joue. Ce qui finalement a tout à voir avec le boogie lubrique. En 1973, aucun doute sur la question, Lynyrd Skynyrd est le plus dangereux gang in town. FRANCK ROY