Elton John
“GOODBYE YELLOW BRICK ROAD” DJM
L’épopée de “Goodbye Yellow Brick Road” débute à la Jamaïque. Les Rolling Stones, qui à l’époque venaient d’y terminer l’enregistrement de “Goats Head Soup”, auraient involontairement influencé Elton John et Bernie Taupin qui, à leur tour, décident de s’y installer pour travailler sur ce nouveau projet. D’après la légende, le premier y aurait composé toutes les musiques en trois jours et le second écrit les textes en deux semaines et demie. Au moment d’entrer en studio, la légende se met soudainement à prendre l’eau. Les défaillances techniques s’accumulent. L’ambiance sur l’île étant loin d’être paradisiaque, la petite équipe finit par déclarer forfait et migre vers le Château d’Hérouville en région parisienne, le luxueux studio d’enregistrement où Elton John a déjà ses habitudes. C’est là qu’en deux semaines, épaulé par son groupe, il va mettre en boîte les 18 titres de cet album qui de fait ne pourra être que double. L’ouverture est grandiose, presque grandiloquente. Une sorte de marche funèbre pour synthés et piano avec des envolées pop symphoniques qui finissent par déboucher sur un titre aux guitares musclées (“Funeral For A Friend/ Love Lies Bleeding”). Cette entrée en matière qui dépasse les dix minutes est idéale. Une parfaite invitation pour entrer de plainpied dans ce que beaucoup considèrent encore aujourd’hui comme le chef-d’oeuvre d’Elton John. On y croise quelques hits, singles de l’époque devenus aujourd’hui de véritables classiques (“Candle In The Wind”, “Bennie And The Jets”, “Saturday Night’s Alright For Fighting”, “Goodbye Yellow Brick Road”) mais qui n’atténuent en rien l’excellente tenue des autres compositions. Dans une ambiance souvent mid-tempo où son piano est omniprésent, l’excentrique anglais livre quelques belles ballades (“Harmony”, “I’ve Seen That Movie Too”) et une collection de chansons aux constructions souvent ambitieuses qui reposent sur de solides gimmicks mélodiques (“Dirty Little Girl”, “All The Girls Love Alice”). Ce qui ne l’empêche pas plus loin d’aller se risquer sur des titres improbables, résolument légers, mais qui ne réussissent pas pour autant à ternir le tableau, tels “Jamaica Jerk Off” ou “Your Sister Can’t Twist (But She Can Rock & Roll)”. Et c’est justement là toute la magie de cet album. Un ensemble qui avait tout pour paraître hétéroclite et qui brille par sa cohérence. ERIC DECAUX