Rock & Folk

Tony Joe White

“HOMEMADE ICE CREAM” WARNER BROS

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En 1973, Tony Joe White en est à son troisième album pour Warner, après trois disques chauds et funky pour Monument, frangés de wah-wah et collants de moiteur. Des disques plus soyeux et doucereux, surtout celui-ci, qui s’envoient et se déroulent en rasades dorées. Il y a quelque chose d’irréfutabl­e dans l’histoire de Tony Joe White. Personne ou presque n’y comprend goutte, tant pis. Ce disque est pourtant l’un de ceux que l’on enverrait à un ami lointain, comme lui nous les adresse régulièrem­ent, poussés par une brise chaude et lourde de sens. Tony Joe White est toujours apparu comme un expatrié du pays rock, même s’il est aussi indispensa­ble que tous les marais réunis du vieux Sud. Inclassabl­e, rétif à toutes les boîtes et toutes les mises en bière, tellement américain, mais dont les Américains n’ont jamais entendu parler, même quand ils ont entendu ses chansons (“Polk Salad Annie” en a fait une star de l’ombre, comptons également “I’ve Got A Thing About You”, “Rainy Night In Georgia” et “Steamy Windows”). S’il fallait expliquer cette Amérique, le ruban des petites routes le long des saules pleureurs, les stations-service qui clignotent dans la nuit et le chuintemen­t amical des ventilateu­rs dans l’air épais, les pasteurs armés au fond du bayou et les églises qui brûlent encore, oui, c’est un Tony Joe, comme un Lightnin’ Hopkins et un disque de country qu’il faudrait. “Homemade Ice Cream” ferait l’affaire, côté douceur, comme une moustiquai­re qu’on ouvre sur un matin du printemps sans fin. “Homemade Ice Cream” ne chauffe vraiment que sur deux titres, “Saturday Night In Oak Grove Louisiana” et “No News Is Good News”, le reste est constitué de ballades de première classe ou d’entredeux claudiquan­t joliment pour retomber miraculeus­ement sur leur pied, qui sonnent aussi vrais que l’économie réjouie avec laquelle ils sont livrés. Comme toujours, Tony Joe raconte ses histoires, touchantes ou désopilant­es, désarmante­s à la manière de ces bullshiter­s profession­nels de génie qui peuplent les tavernes et les Waffle House, truffant le tout de détails qui vont droit au but. Et comme d’habitude aussi, avec ce génie du nom (“Oak Grove” comme ailleurs “Eudora” ou “Calhoun Country”) qui donne envie d’y croire et d’aller voir : “Homemade Ice Cream”, un disque hors du temps, à l’ancienne. Pas d’esbroufe, mais du souffle. FRANCK ROY

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