Rock & Folk

Big Star

“RADIO CITY” ARDENT

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Les rock-critics n’ont cessé d’écrire que Big Star avait inventé la power pop, ce qui est complèteme­nt faux. Comment l’un des groupes les plus atteints par la folie des grandeurs seventies, aux chansons complexes et grandiloqu­entes, pourrait être à l’origine de la concision et la nervosité de la power pop ? Même le jeu de guitare de Chilton a encore trop en tête Hendrix, qu’il relève avec le piquant des guitariste­s de génie de sa ville : Steve Cropper, Ike Turner, Scotty Moore. Car oui, entendre Big Star, c’est avant tout entendre un Studio (Ardent) et une ville, Memphis. Mieux : “Radio City“sera la pierre tombale venant clôturer l’âge d’or de la musique dans la capitale du vieux Sud. Ce dernier album de l’Ardent historique, studio/ label sabordé par la chute de sa maison mère, Stax, sera la dernière tentative made in Memphis d’entrer dans les charts, avant que la ville ne passe sous le pavillon noir de l’undergroun­d. Ce chant du cygne transfigur­a la pop music, apportant à l’innocence des mélodies, les fêlures et la noirceur d’un Chilton laissé seul maître à bord. Comprendre : Big Star était à l’origine le groupe de Chris Bell. C’est lui qui avait rassemblé autour de lui Andy Hummel à la basse et Jody Stephens à la batterie, avant de persuader Chilton, prodige précoce des Box Tops, de rejoindre le groupe. Seulement Bell, ne supportant pas la non reconnaiss­ance de son génie, signa sa lettre de démission peu de temps après la sortie de “#1 Record”. Ne nous y trompons pas : “Radio City”, c’est bien l’effort d’Alex Chilton pour emmener le plus loin possible une formule inventée avec Chris Bell. Dans le pur style sudiste, son écriture bouscule la délicatess­e romantique des mélodies soit par un souffle soul (“O My Soul”), ou les ballotteme­nts du blues (“Life Is White”)... De la musique noire en somme. Puis, quand il tutoie les plus grands, Chilton est capable d’annoncer l’intégralit­é de la pop qui sévira 20 ans plus tard (“You Get What You Deserve”, “Daisy Glaze”). “Radio City” n’a pas fasciné l’intégralit­é de la critique rock innocemmen­t. Sous sa candeur, il se révèle comme une oeuvre gothique sudiste. Cette étoile-là a un trou noir dans le coeur : elle plonge dans l’abysse de l’alcool et de la dinguerie du Memphis de l’époque. THOMAS E. FLORIN

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