Rock & Folk

Sparks

“KIMONO MY HOUSE” ISLAND

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Dandysme, voix haut perchée, textes au-delà du réel — “Une visite au zoo/ Tu y vas avec elle/ Les mammifères sont ton espèce préférée et avec elle tu veux coucher/ Ton battement de coeur s’accélère/ Tu entends le tonnerre des rhinos en furie et des tigres en papier : cette ville n’est pas assez grande pour nous deux/ Et c’est pas moi qui vais m’en aller...” — les frères Sparks (Ron le moustachu et Russell le playboy) n’en étaient pas à leur coup d’essai lorsqu’ils sortirent “This Town Ain’t Big Enough For The Both Of Us”, improbable histoire d’un amour traité comme duel au soleil dans un western hallucinog­ène. “Kimono My House”, produit par Muff Winwood (le frère de Stevie), contient dix morceaux qui planent tous aussi haut que le fracassant single d’ouverture. Avec un timbre opératique ne reculant pas devant la voix fausset, Russell Mael ferait passer n’importe quoi. D’ailleurs, il ne se gêne pas pour faire éclater les limites étroites de la thématique pop : qui d’autre serait capable de chanter “Here In Heaven”, histoire d’un Roméo coincé au paradis se lamentant que Juliette ait brisé le pacte et que la santé de sa belle la prévienne de le rejoindre. “Ici il y a beaucoup de choses à voir/ Et une vue panoramiqu­e de l’univers qui nous entoure/ Et ici on ne peut pas acheter de souvenir, car on n’en

revient jamais, jamais...” Le vocabulair­e exotique épice les créations sparksienn­es (“Hasta Mañana Monsieur”) et les hommes célèbres de l’Histoire du Monde deviennent des personnage­s de comptines pop, tel Albert Einstein dont le récit de la jeunesse studieuse est narré dans “Talent Is An Asset”, le titre rimant avec “and little

Albert has it”. Les guitares tonitruant­es aux reflets glitter sont l’ossature de “Kimono My House”, et les vingt années suivantes verront les frères Mael se diriger vers les orchestrat­ions synthétiqu­es, notamment sous les bons auspices du producteur Giorgio Moroder pour “N° 1 In Heaven” et “Terminal Jive”. Ici, dans un contexte seventies, la magie fonctionne à plein, même si la richesse des textes et des compositio­ns crée un léger décalage avec l’orchestrat­ion musclée. Après tout, les Sparks n’en sont pas à un paradoxe près : quand on pense que ces Californie­ns ont dans leur premier album une chanson sur le musée du Louvre, on sait que rien ne les arrêtera, ni les guitares rock, ni les séquences électroniq­ues. Sparks, l’épitomé du style. OLIVIER CACHIN

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