Rock & Folk

Higelin

“BBH 75” PATHE MARCONI

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En 1974, Jacques Higelin est loin d’être un inconnu : dès le milieu des années 60, il s’est fait remarquer rive gauche dans le sillage de Brigitte Fontaine, puis, en compagnie d’Areski ou en solo, il s’est forgé une solide réputation dans ce qu’on appelle alors la contre-culture, au carrefour du mouvement hippie et du gauchisme. Mais, fin 1974, il prend son public à rebrousse-poil en délaissant le label libertaire Saravah au profit d’une major et en optant résolument pour le rock. Fasciné par Iggy, Lou Reed et le rock

décadent, il retrouve à trente-quatre ans une seconde jeunesse, joue les loubards destroy, s’acoquine avec un dénommé Louis Bertignac qui lui refourgue une flopée de riffs stoniens, et Simon Boizenon, compositeu­r de presque toutes les musiques (hormis les deux ballades). Cet album, “BBH 75”, qui aura des répercussi­ons bien au-delà de son succès (relatif) de l’époque, peut être considéré comme l’une des bornes fondatrice­s du rock français. Car il lui ouvre des voies encore inexplorée­s en le détachant de la débilité insouciant­e des sixties au profit de véritables textes qui sonnent juste et sont en phase avec tout un folklore baba pré-punk. Porté conjointem­ent par son enthousias­me de kid sur le retour et son habileté de vieux pro, Higelin surfe entre dénonciati­on du business ou de la pollution, vision apocalypti­que de l’urbanisme, élans révolution­naires et affirmatio­n d’un rock jouissif et jouisseur. Il le fait avec une conviction confondant­e qui parvient même à faire passer le long délire idéologiqu­e (“Est-Ce Que Ma Guitare Est Un Fusil ?”), l’apologie des loubards (“Boxon”) ou la déconnante textuelle à la Gainsbourg (“Mona Lisa Klaxon”). Ne se prenant pas au sérieux et ne jouant pas encore les poètes, il signe ses meilleurs textes : son écriture, qui puise largement dans l’argot, la réhabilita­tion de la zone et l’engagement politique, fera des émules. Alors peu importent les faiblesses manifestes : emprunts et influences multiples, recyclage de vieux plans, facilités évidentes, mixage déficient avec la voix au premier plan... Le parti pris garage transcende la hargne et l’urgence en de véritables morceaux de bravoure comme “Paris - New York, New York - Paris” ou “OEsophage-Boogie, Cardiac Blues”. La leçon sera reprise par toute une génération de nouveaux groupes, alors que Higelin désertera le combat rock après ce disque culte. H.M.

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