Rock & Folk

Alice Cooper

“WELCOME TO MY NIGHTMARE” ATLANTIC

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L’amnésie convient mal aux rockers et pourtant, depuis quelques années, on occulte l’importance énorme du phénomène Alice Cooper dont on rendra compte aux jeunes génération­s en posant l’équation suivante : l’aura gore de Marilyn Manson avec des chansons aussi tubesques qu’imparables. Plus que les ligues de vertu et les associatio­ns de proviseurs furibonds, le gang avait un ennemi implacable : lui-même. Rongés par l’alcool, le speed et la paranoïa, les musiciens originels lâchent le chanteur en pleine hyperbole. Réjoui, Alice complote avec Bob Ezrin un projet de comédie musicale zombiaque et hollywoodi­enne qui marque en fanfare les débuts solo de Vincent Furnier. Depuis la planterie “Berlin”, Ezrin avait prodigieus­ement réfléchi à la forme. C’est sans repentir qu’il branche Alice sur une bande de requins au pedigree fabuleux. Le batteur Johnny Badanjek soutenait Mitch Ryder. Prakash John, le bassiste, avait fait ses classes chez Funkadelic. Mais les vrais monstres sont les deux guitar killers qui venaient de sauver la carrière de Lou Reed le temps d’une incarnatio­n animale : Steve Hunter et Dick Wagner, tueurs nés. De son côté Alice imagine son futur spectacle. Il écrit des titres retors (ses plus accomplis) s’autorisant même une ballade sacchariné­e (“Only Women Bleed”). Pour la première fois, le rock ose se parer des artifices du Grand-Guignol. On fait semblant, on orchestre et on usine, on commence à feindre ce qui au début avait été jeté dans la cire au premier degré. Si on aime les grands orchestres ronflants et suintants de cuivre, tout est là, nickelé au millimètre par Ezrin. Les breaks de “Some Folks” auraient fait le bonheur du groupe Chicago, les guitares virevolten­t comme des éléphants dans le proverbial magasin de porcelaine­s et Cooper jette un hymne en pâture aux juke-boxes (“Department Of Youth”). Convoqué pour bien illustrer la tendance Halloween/ Hammer films, Vincent Price s’en donne à coeur joie sur un monologue kitsch ventant les mérites de cette Veuve Noire à laquelle est dédié le disque. Le Coop’ partit en tournée, vendit énormément de billets et vécut très heureux très vieux. Fin ? Non : toutes ces recettes seront clonées et exploitées à la perfection par Quincy Jones et Michael Jackson pour fabriquer le projet “Thriller”. Qui se vendit comme on sait. Depuis, Alice Cooper est l’homme qui rit. Jaune. CYRIL DELUERMOZ

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