Rock & Folk

Ramones

“RAMONES” SIRE

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Mai 1976, un des étés les plus chauds du siècle. Le monde occidental est encore sous le choc de la crise du pétrole et des tensions de la fin des années 60, enfermé dans une torpeur introspect­ive et un doute anxieux. L’avenir n’a jamais été aussi sombre. C’est dans ce contexte que quatre gosses malingres gavés de speed et d’ennui vont balancer une véritable bombe atomique sur le monde de la culture pop. Car il est facile aujourd’hui d’oublier ce que le premier album des Ramones a eu, à long terme, comme effet. Quel mouche a bien pu les piquer, quelle muse trash a-t-elle pu leur inspirer de créer de toutes pièces un édifice aussi parfait ? Sous une architectu­re complexe — oui, inutile de rire — embrassant mille aspects de la culture pop, de tout ce qui est rejeté, banni, honni et piétiné par les tenants de l’esthétique, les Ramones ont eu autant de résonance que Warhol, davantage peut-être. Car ce qui ne peut sembler qu’un simple groupe de rock’n’roll était dans le contexte de l’époque une véritable révolution, un affront au visage du monde de la pop qui, depuis les Beatles, n’a cessé d’aspirer à la reconnaiss­ance légitime de caciques grabataire­s et réactionna­ires. “Ramones” ressemble à une vaste et joyeuse poubelle malodorant­e, dans laquelle les EC Comics recouvrent des 45 tours rayés des Standells et des Beach Boys d’avant l’acide et quelques aiguilles rouillées se plantent dans des affiches de films Z des années cinquante. 29 minutes de pure pop traitées au papier de verre, mugies avec des sanglots dans la voix par quatre types sales et portant le même nom de famille, le choc est plus fort que tout ce qu’auraient pu imaginer Dada et les Surréalist­es. D’autant que les paroles traitent d’héroïne, prostituti­on masculine, violence parentale, viol et inceste. “Maintenant j’ai envie de sniffer de la colle”, affirme platement un des titres. Et on ose prendre cela pour argent comptant ? Mais, ingrats que nous sommes, nous devrions au contraire, comme l’ont fait Sex Pistols et Clash, remercier les Ramones pour avoir osé allumer la mèche d’un incendie culturel qui brûle encore dans la techno, le hip hop et le punk rock. Et que plus jamais personne ne traite les Ramones de crétins. Nous leur devons tout. NIKOLA ACIN

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