Rock & Folk

Muddy Waters

“HARD AGAIN” BLUE SKY

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En 1976 Muddy Waters est une valeur très modique du portefeuil­le Chess. On l’a fourgué aux folkeux, aux hippies, aux amateurs de funk. Là, on ne sait plus qu’en faire. Mais cette année-là, il est enfin libre. Chess a été vendu et Howlin’ Wolf, son rival querelleur, a été enterré. Pas question de gagner au forfait, il doit montrer qu’il bande encore. “Hard

Again”. Johnny Winter est libre lui aussi, maintenant qu’il est clean. C’est lui qui a l’idée d’un album rédempteur financé par Blue Sky, filiale de Columbia. Il emmène l’homme du South Side chez un ami. Cette pièce aménagée en studio est coffrée de boiseries, dont “Hard Again” emportera le tonneau. Tous les musiciens se connaissen­t, la plupart travaillen­t ou ont travaillé pour Muddy et tous, hormis Johnny Winter, sont l’honneur de Chicago : Bob Margolin (autre Blanc, autre guitariste), James Cotton (harmo), Pinetop Perkins (piano), Charles Calmese (basse) et Willie Big Eyes Smith (batterie). “Hard Again” est ficelé en trois jours. Quand il commence à ondoyer sous les diamants, la critique exulte sauf quelques puristes qui le toisent comme un disque de rock conçu pour les Blancs. Exact. Johnny a réussi ce que Len Chess avait partiellem­ent raté, sauf qu’il ne l’a pas fait exprès. Le rock, c’est Big Eyes Smith qui l’apporte. Ses shuffles tapageurs, presque sans backbeat, tannent le serpent dantesque que l’orchestre est en train de cylindrer. Muddy se laisse porter sans toucher sa Telecaster. Les instrument­s et le chant s’agglomèren­t, les lignes enchevêtré­es tentent de se dégager de la mêlée mais restent clouées dans la masse par le batteur. Big Eyes joue le premier rôle, donne le pouls d’une intumescen­ce à fleur d’orgasme qui ne se libèrera jamais. Muddy recouvre amicalemen­t quelques créances : “Mannish Boy” (le totem de l’album), “I Want To Be Loved” et, à toutes fins utiles : “The Blues Had A Baby And They Named It Rock And Roll”, que Dr Feelgood reprend tout de suite après. Le Doc a placé un live en tête des charts anglais (“Stupidity”). Le public a le goût du sang dans la bouche en 1976 mais c’est un peu trop tôt pour Muddy. “Hard Again” s’étiole à la 143e place du Billboard. D’ici quatre ou cinq ans, tout ce blues dégueulera de l’égout à gros bouillons et “Mannish Boy” sera le riff des jeans Levi’s en 1988. CHRISTIAN CASONI

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