Rock & Folk

The Saints

“(I’M) STRANDED” HARVEST

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Aujourd’hui, on se souvient surtout des Pistols et des Clash. Un peu moins de Damned et presque tout le monde a oublié les Saints. Affirmons-le : “Stranded” est pourtant l’album le plus trash à avoir jamais été enregistré. Comme les Damned, le gang de Brisbane a toujours cultivé une certaine auto-dérision qui remet les choses à leur place. Voilà sans doute pourquoi les musiciens des deux groupes (Brian James ou Algy Ward) iront faire des stages les uns chez les autres. Punk avant l’heure — l’Australie a quelques méridiens d’avance sur le reste du monde — le gang de Chris Bailey s’est formé en 1973 et n’avait au moment de ce premier méfait (et contrairem­ent aux Pistols) strictemen­t rien à foutre de la mode. Quelques mois avant l’album, le groupe s’était contenté d’envoyer quelques exemplaire­s du single “I’m Stranded” à des journaux anglais comme Sounds, qui trouvèrent là et pour pas cher l’idéale définition du punk : celle d’un truc inutile et approximat­if. Les Saints furent beaucoup plus que ça. Si l’on peut alors leur trouver une vague filiation, c’est du côté new-yorkais qu’il faut passer (Velvet Undergroun­d & Ramones en tête), même s’ils aiment déjà Elvis Presley, premier d’entre tous (la reprise de “Kissin’ Cousins” qui les a semble-t-il grillés à l’époque...) ou les sauvages aînés australien­s comme les Missing Links qu’ils reprennent sans crédit (“Wild About You”). Erotiques et névrotique­s, les dix morceaux de “Stranded” sont conduits par une rythmique qui claque, les riffs 100 % SDF de Ed Kuepper sur amplis chauffés à vif et puis par la voix enragée et désabusée de Chris Bailey, trop honnête pour se reconnaîtr­e en tant que poète et pas encore conscient d’être influencé par l’hypnotisme blues de Jimmy Reed. On repère seulement ici deux mid-tempos venimeux (“Messin’ With The Kids” et “Story Of Love”). Ce classique rock’n’roll, qui conjugue excitation déjà plus adolescent­e et raide position trop tôt adulte, retournera toute l’Australie : de Nick Cave à l’école Radio Birdman, tous piocheront là-dedans. Disloqué, le groupe ne fera ensuite que toucher le denier du culte versé par le label New Rose. Plus tard, il sortira de vraies merveilles, trop belles pour avoir le droit d’exister : “Eternally Yours”, “Monkey Puzzle” ou “All Fools Day”, toujours disponible­s à l’heure où l’on lit ces lignes. VINCENT HANON

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