The Stranglers
“RATTUS NORVEGICUS” UNITED ARTISTS
Quand l’album sort en avril 1977, la presse anglaise est contrainte de piocher dans le politiquement correct pour en dire du mal avant de lâcher du bout des lèvres quelques compliments tant l’objet est au-dessus de la mêlée. Fruits de trois ans de galère noire que le groupe souhaiterait partager avec tous ses détracteurs, “Rattus Norvegicus” est le reflet parfait d’une évolution en milieu hostile. A l’origine, le groupe n’est pas vraiment parti pour déclencher la guerre : à l’écoute des premières démos enregistrés en 1974 et 1975, le son n’est pas aussi violent, le tempo pas aussi rapide et la voix de Cornwell est, écrivons-le, même mélodieuse. Mais que s’est-il donc passé pour que les Stranglers soient devenus aussi méchants en aussi peu de temps ? Contrairement à ce qu’on pourrait penser en comparant les dates, ce n’est pas l’émergence du punk qui est le coupable. Il ne s’agit que de l’évolution normale chez les adultes qui connaissent des soucis d’argent, des problèmes de couples, de logement et qui ne mangent pas vraiment à leur faim tous les jours que Dieu fait. En gros, la collection de problèmes rencontrée par n’importe quel individu lambda quand tout va mal. Dans le cas des Stranglers, le monde libre n’aura pas assez de neuf vies pour remercier le groupe d’avoir passé toute l’étendue de sa frustration dans sa musique. Si la genèse des Etrangleurs avait été rose, ils auraient très bien pu être les nouveaux Rubettes. Heureusement, la crise économique veillait et la princesse s’est progressivement transformée en rongeur agressif. C’est là que l’observateur impartial note gravement dans le marbre que le marasme est d’une aide incroyable dans la gestation d’un chef-d’oeuvre. Des neuf titres originaux, il est quasiment impossible d’en mettre un de côté. Tous sont réussis et bénéficient d’un son jamais entendu jusqu’à présent grâce à l’inventivité sans limite du producteur Martin Rushent. Sans lui, la basse de JJ Burnel et la voix étrangement atonale de Cornwell n’auraient sans doute pas été aussi puissantes dès le premier jet. Polyphonie destroy parfaitement exécutée dont chaque note jouée participe de la compréhension des chansons, le “Rattus Norvegicus” a le consensualisme du Yoko Geri quand le mouvement s’achève dans les noisettes. Plus qu’un simple disque, cette rondelle noire est le Jugement Dernier. GEANT VERT