The Jam
“IN THE CITY” POLYDOR
Autant le dire d’office, il ne s’agit certainement pas du meilleur album des Jam. “All Mod Cons” ou “Setting Sons”, voire “Sound Affects” correspondent mieux à cette appellation, mais “In The City” reste l’un des plus fascinants premiers albums jamais enregistrés par un groupe. Avec un Weller ayant à peine dix-huit printemps, cette réunion de ploucs — ils viennent de Woking et non de Londres — signe ici un manifeste franchement imparable. Paul Weller donc, jeunot provincial étant le seul à porter parka et rouler Vespa en 1975, vénère Dr Feelgood, les Beatles, Motown et le premier album des Who qu’il vient à peine de découvrir et qui a changé sa vie une première fois. La seconde arrivera quelques mois plus tard, lorsqu’il verra les Sex Pistols sur scène. Son groupe existant déjà depuis 1973 resserre sérieusement les boulons et le gamin affiche, à peine majeur, des allures d’enragé réactionnaire, ce qui n’est pas franchement la mode à l’époque. On trouve donc, sur ce premier jet enregistré en quelques heures, les influences pub rock (“Takin’ My Love”, “Time For Truth”), celles omniprésentes du premier Who (“In The City”, la reprise du thème de Batman, “Bricks And Mortars” et l’immense “Away From The Numbers”) mais également l’héritage soul (“Non Stop Dancing”, ode aux Allniters du casino Wigan), ce qui distingue les Jam de tous les groupes punk anglais de l’époque et permet également à Weller de signer à ce si jeune âge l’un de ses plus beaux morceaux, l’impérissable “I Got By In Time”. Le plus fascinant dans cet album est d’ailleurs précisément de découvrir ou redécouvrir un Weller mal dégrossi, beuglant des textes bien maladroits (“In The City”, “Time For Truth”), avec une grosse voix de pure teigne carburant à la nitroglycérine, arrachant le tout dans un marathon de guitares remarquablement cinglantes et mélodiques. On l’a connu plus sophistiqué, et surtout plus adulte, à des âges encore anormalement jeunes (“All Mod Cons” paraît seulement un an plus tard). “In The City” montre donc le germe, l’embryon de ce qui allait devenir l’un des personnages les plus fascinants et les plus paradoxaux de la pop anglaise. NICOLAS UNGEMUTH