Arcade Fire
“FUNERAL”
Jésus, Marie, Joseph ! Depuis quand n’avions-nous pas entendu une voix aussi habitée ? Depuis les fous furieux Texans de Lift To Experience ? Depuis Black Francis chantant “Debaser” ? Thom Yorke sur “Fake Plastic Trees” ? On ne sait plus trop... C’est un choc. Une expérience. Un album sur lequel tous les morceaux renversent, cette chose si rare... Les Arcade Fire sont une bande de prophètes en provenance du Québec, s’articulant autour du couple Win Butler, natif du Texas, et Régine Chassagne (on ne plaisante pas), ancienne fillette de Haïti. Leur premier album est un monstre... Il y a, là-dedans, un foutoir d’influences plus ou moins précises, qui finissent par s’assembler pour donner au groupe un style, une griffe, qui sont ceux des vrais géants... Un mélange tordu de pure americana gothique et d’anglophilie savante, de post-punk totalement digéré et de baroque féerique. Il paraît qu’avant de composer ces morceaux dantesques, une hécatombe s’est produite dans les différentes familles des hommes et femmes composant Arcade Fire... Un quasi-génocide québécois ! D’où le titre de l’album et le chant fiévreux de Butler, souligné ici et là par les interventions féroces de sa mousmé Régine. D’emblée, via “Neighborhood °1”, c’est une totale déflagration. On n’a jamais rien entendu de pareil... En cherchant des comparaisons assez hasardeuses, quelques noms sortent bien : les premiers Echo & The Bunnymen pour la voix, ou Talking Heads pour ce sens du nerf à vif. Et encore, ce n’est pas sûr... C’est qu’Arcade Fire, précisément, a cette chose rare absente partout ailleurs : l’épaisseur. La grandeur d’âme. Ici, lorsqu’un morceau commence comme une énième version moderne de Gang Of Four (“Neighborhood °2”), c’est pour décoller dans un refrain abracadabrant. Puis c’est une valse avec crincrin de bal fin de siècle (“Crown Of Love”) qui enchaîne sur un hymne entonné par mille choeurs (“Wake Up”) au bord du suicide collectif. Ces Arcade Fire sont d’une intensité palpable. Ce Win Butler semble en transe, là-haut, au huitième cercle transcendantal ! Il faut l’entendre sur “Rebellion (Lies)”, c’est évident, sa vie en dépend. Derrière, le groupe déploie des choses inouïes, travaille l’art subtil du crescendo, du plein et du délié. “Funeral” s’achève qu’on ne l’a pas vu passer. C’est normal, il nous a traversés !