Warlocks
“SURGERY”
Combien de groupes de rock sont parvenus ces trente dernières années à enregistrer un album ne comportant que des tubes ? Des tubes qui n’envahissent peut-être pas les ondes ni les classements des ventes mais les cerveaux d’une jeunesse en manque de mélodies fières et solitaires ? Pixies ? Nirvana ? Strokes ? Oui, peut-être. Mais la bande californienne de Bobby Hecksher a, en 2005, offert au monde “Surgery” un disque parfait, où chaque chanson était une main tendue, avant le grand saut. Buddy Holly ressuscitait ici, les pupilles dilatées, sa guitare crachant des larmes acides. The Warlocks réinventait le rock’n’roll avec une classe, une hargne et une mélancolie absolument admirables. Pourtant, à l’époque, les critiques se veulent moins unanimes. On reproche aux Warlocks d’avoir composé des chansons que l’on peut chanter sous la douche, dans sa voiture, en se rendant à son premier rencard avec la femme de sa vie, ou à l’enterrement de son meilleur pote. “Angels In Heaven, Angels In Hell”, par exemple, est une sorte de slow au napalm, où un tourbillon saturé emporte toutes les âmes égarées. C’est beau, à chialer. Et indélébile ! “Come Save Us”, qui ouvre l’album, sa basse éléphantesque, son beat de pow wow et ses guitares brûlantes, c’est déjà une promesse d’amour éternel entre le groupe et ceux qui ont envie de le suivre. “It’s Just Like Surgery”, ce sont les Sex Pistols qui reviennent quelques secondes, les toutes premières notes évoquant sans attendre “Anarchy In The UK”, sous Valium, avant de sombrer dans une dépression fantastique, où Hecksher pleure, encerclé de larsens libérateurs. “Gypsy Nightmare” est une berceuse pour les enfants que Peter Pan n’a jamais pu rejoindre. De la cold wave enregistrée aux studios Sun, d’une certaine façon... “We Need Starpower” traîne aussi son spleen avec une force incroyable. “Evil Eyes Again”, c’est Marty McFly qui décide finalement d’emballer sa mère à la Féérie dansante des Sirènes. Descente impeccable. “The Tangent” poursuit dans la même veine, complainte à la pudeur déchirée, où Hecksher chante à la fois loin et au coeur du tumulte. Le disque se termine sur un “Suicide Note” de vertige. Un orgue éclaire le chemin. Après, la mort ? Peut-être. Pas grave. The Warlocks ont bouclé la boucle avec ce disque extraordinaire. Le rock va devoir désormais inventer autre chose.