Rock & Folk

Amy Winehouse

“BACK TO BLACK”

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Elle avait sorti, en 2006, non pas le meilleur album soul de ces derniers temps, mais tout simplement l’un des plus grands albums du genre jamais entendus depuis 1962. Pas du néo-R&B ou de la Nu Soul. Non, de la soul. Pure, dosée à 98 % vol. Dès le premier morceau, le single fou, “Rehab”, on se cognait la tête avec un marteau. Qu’était-ce donc ? Esther Philips ou Nina Simone sur une production Allen Toussaint ? Non, c’était Amy Winehouse de son vivant. En réalité, cette sauvageonn­e fille de chauffeur de taxi avait déjà livré un premier album assez quelconque en 2003. Rien, en dehors de sa voix en or, ne laissait présager une suite aussi fantasmago­rique. Mais fort heureuseme­nt, la brunette s’était séparée de son homme — elle se remettrait avec lui plus tard — et était devenue très déprimée ! Et dans le même temps boulimique, puis anorexique, puis stoned, puis alcoolo, puis junkie. Ce faisant, pour noyer sa tristesse, l’amie Winehouse s’était mise à écouter les Shangri-Las en boucle. A ce moment a germé en elle l’idée d’un nouvel album avec un son plus vintage... Un truc plus fondamenta­l. Le résultat était ce disque splendide, au-delà de tous les espoirs. Il y avait le son, idéal, comme on n’y croyait plus. Et puis, les chansons, qui révélaient un talent d’écriture inouï. D’où sortait-elle donc ces impeccable­s “Rehab”, “Me & Mr Jones”, “You Know I’m No Good” ou ce “Back To Black” carrément magistral ? Mystère. Mais enfin, quand même, tout dans ce disque rendait proprement hystérique, mixant rhythm’n’blues fin fifties, ska, early soul, girl group et une ou deux grooveries assez seventies. Et c’était bien là le miracle de cet album inespéré : incapable de verser dans le pastiche pur et simple, la Winehouse, les tripes à l’air et le gosier en feu, retrouvait l’essence même de la soul avec une âme anglaise, puisque dans ce pays, la soul fait littéralem­ent partie des chromosome­s de la population depuis la création même de TamlaMotow­n. Pleine de fish & chips, de parfum cheap, de Lager et de pluie sale. Et comme si ce n’était pas suffisant, trônait encore cette voix surhumaine, toujours parfaiteme­nt laid-back, idéalement dosée et économe, aux antipodes des habituels hurlements pseudo-gospel qui polluent tant le genre... On connaît depuis par coeur chaque morceau de ce disque. Et pour cause : il n’y en aura jamais d’autre.

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